Merkel versus Trump : ce que dit la photo qui a fait le tour du Web

Merkel versus Trump : ce que dit la photo qui a fait le tour du Web

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Par Astrid Van Laer

Publié le

“Quand les mots échouent à décrire une situation, on a tendance à se tourner vers les images car elles semblent plus à même d’expliquer ce qui se passe” : le cliché du G7 qui a fait le tour du Web ce week-end, sujet à mille détournements, apparaît comme l’illustration d’un sommet en perte de contrôle.

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Les 8 et 9 juin se sont rencontrés au Québec les membres du G7, c’est-à-dire les dirigeants des sept puissances mondiales : la chancelière allemande Angela Merkel, le chef d’État français Emmanuel Macron, le président américain Donald Trump, le Premier ministre japonais Shinzo Abe, son homologue canadien Justin Trudeau ainsi que le tout nouveau chef du gouvernement italien Giuseppe Conte et la Britannique Theresa May.

Malgré un programme chargé et des thématiques abordées plus que cruciales comme la croissance économique, l’emploi, la paix, l’égalité des sexes ou encore les océans, le réchauffement climatique et l’énergie, c’est une photo qui a retenu toute l’attention des médias. Donald Trump, bras croisés, à l’air dubitatif et au visage fermé fait face à une Angela Merkel à la posture autoritaire. Le style pictural rappelle à certains commentateurs La Cène.

Jezco Denzel, photographe officiel du gouvernement allemand, primé au World Press Photo, est parvenu à faire effacer les clichés de ses homologues. Car chacun y est allé en postant son propre point de vue sur la rencontre, et pourtant, c’est bel et bien ce cliché allemand, posté par le porte-parole du gouvernement allemand, Steffen Seibert, qui fut le seul à être repris partout et à devenir un vrai phénomène viral.

“Il n’y a plus de contenu dans cette aventure politique”

Comment expliquer la popularité de ce cliché ? Pour Philippe Moreau-Chevrolet, président de MCBG Conseil et professeur de communication à Sciences Po Paris, la viralité du cliché s’explique simplement par le fait que, “même si le G7 est très médiatisé, on n’y comprend rien”. “Quand les mots échouent à décrire une situation, on a tendance à se tourner vers les images car elles semblent plus à même d’expliquer ce qui se passe”, ajoute le professeur en communication.

Néanmoins, contrairement à ce que l’on a beaucoup lu, il ne semble pas si évident que ça qu’Angela Merkel gagne en termes de communication. “Tout dépend du point de vue”, affirme-t-il avant de poursuivre :

“De celui des Européens et du reste du monde, c’est Mme Merkel qui, parce qu’elle est en surplomb, a l’air de dominer et de ne pas se laisser faire. Mais du point de vue des électeurs de Trump, il a l’air de quelqu’un qui résiste. La photo est riche car chacun peut y mettre son point de vue, véritablement comme une peinture.”

Et d’ajouter :

“On observe un véritable affrontement entre Angela Merkel et Donald Trump, on a le sentiment que Trump est complètement isolé sur sa chaise, fermé au sens propre et tout le monde semble essayer de le convaincre de quelque chose.

Mais il est vrai que le leader naturel apparaît en la personne de Mme Merkel. Il faut un leader car auparavant c’était les États-Unis avec Obama. Il n’y avait aucune discussion sur le leadership.”

Le plus étonnant, c’est quand même l’importance donnée à cette photo symbolique et l’absence de commentaires concernant ce qui s’est dit sur les sujets géopolitiques au Québec. Pour M. Moreau-Chevrolet, c’est peut-être justement car il n’y a pas de résultats concrets à la suite de ces discussions :

“En fait, ce qui a été décidé là-bas n’est pas clair. Il n’y a pas de décision importante et Trump a d’ores et déjà dit qu’il ne signerait pas la déclaration commune. Donc il n’y a pas de certitude sur ce qui va être appliqué ou non du programme du G7 et ensuite, on n’est plus très sûrs que le G7 existe encore. Du coup, ce qui s’y dit ou s’y décide, sachant que les États-Unis ne ratifient rien, est sujet à caution.”

Pour le professeur en communication, il semblerait ne plus avoir de “contenu” dans “l’aventure politique” que constitue le G7 : “Il n’y a plus qu’un rapport de force et du symbole. C’est pour ça que tout le monde dit que le G7 est mort.”

“J’ai dit des gnocchis sinon je bouge pas d’ici !!!”

En conclusion, M. Moreau-Chevrolet estime qu’il y a un message “assez terrible qui est envoyé au monde qui est celui d’un affrontement binaire et d’un isolement total des États-Unis”. Il semblerait en effet que c’est le message qui a été perçu par ceux qui se sont retrouvés face au cliché : un Donald Trump seul et capricieux face à ses homologues aux postures autoritaires. En témoignent les détournements tous plus imaginatifs les uns que les autres auxquels se sont prêtés les internautes tout au long du week-end :

“Dis-nous juste ce que Vladimir [Poutine, ndlr] a sur toi. On pourra peut-être t’aider.”

“Le dernier Souper mondialiste.”

“Donald, tu es la dernière personne à avoir eu la clef des toilettes. Maintenant, dis-nous où elle est.”