Un policier mis en examen pour avoir éborgné le gilet jaune Jérôme Rodrigues

Un policier mis en examen pour avoir éborgné le gilet jaune Jérôme Rodrigues

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© Christophe Archambault/AFP

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Par Hugo Gabillet

Publié le

La figure du mouvement l’a annoncé sur Facebook.

Deux ans après avoir perdu son œil droit lors d’une manifestation des gilets jaunes, Jérôme Rodrigues, une des figures du mouvement, a annoncé mercredi la mise en examen du policier dont le tir de grenade aurait causé sa mutilation, réclamant des poursuites contre les “donneurs d’ordre”.

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Mercredi après-midi, le quadragénaire a convoqué “la famille” – surnom donné à ses abonnés Facebook – pour une “grosse annonce”. Jérôme Rodrigues a ainsi déclaré devant 1 500 personnes connectées :

“J’ai reçu des nouvelles de la part de la justice concernant le ou les policiers qui se sont amusés à crever mon œil : à l’heure où je vous parle, les deux policiers ont été mis en examen.”

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“Donc je tenais à vous le dire, à dire à l’ensemble des gens qui me soutiennent depuis deux ans : je me suis fait crever un œil par la police de Macron”, a ajouté l’ancien plombier muni de sa casquette noire et d’une barbe fournie, devenues sa signature dans les rassemblements du mouvement.

Selon une source judiciaire, deux fonctionnaires ont été mis en examen le 14 janvier par les juges d’instruction chargés depuis le 13 février 2019 d’établir les responsabilités dans la mutilation de Jérôme Rodrigues et d’un de ses amis, Mickaël, blessé à la jambe place de la Bastille, lors de l’acte 11 des gilets jaunes le 26 janvier 2019.

Mise en examen pour des “violences volontaires”

Après un long travail d’enquête, basé sur des recoupements vidéo et des témoignages, le policier soupçonné d’avoir lancé la grenade de désencerclement, dont un éclat a frappé l’œil de Jérôme Rodrigues, a été mis en examen pour des “violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente”, aggravées par plusieurs circonstances. Une qualification criminelle relevant des assises.

L’autre policier, à qui l’enquête attribue le tir d’un lanceur de balles de défense ayant blessé Mickaël à la jambe, est poursuivi pour “violences volontaires aggravées”. Les deux fonctionnaires sont sous contrôle judiciaire. À l’époque des faits, la concomitance du tir de LBD et du lancer de grenade sur le groupe de Jérôme Rodrigues avait créé la confusion sur l’origine des blessures. D’autant que les autorités avaient un temps contesté l’usage du LBD à l’heure des faits.

“Si un jour, on me rend justice, je n’aurai gagné qu’à moitié parce que l’important, c’est que l’ensemble des mutilés du mouvement, l’ensemble des éborgnés, l’ensemble des copains qui ont perdu une main puisse avoir justice”, a ajouté le gilet jaune dans sa vidéo. Ce dernier a réclamé une peine non pas seulement pour les policiers, mais aussi pour “les donneurs d’ordre, ceux qui, aujourd’hui, se permettent de faire taire les contestataires à coups de mutilations”.

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La controverse de l’usage du LBD

Interrogé par l’AFP en 2019, Jérôme Rodrigues avait déjà déploré “deux vies déglinguées”, la sienne et celle du policier, pas encore identifié. “Il va lui arriver quoi, à lui ? Il a peut-être une femme et des enfants”, s’interrogeait-il, mettant en cause les ordres hiérarchiques.

Cette blessure du manifestant, longtemps compagnon de route d’une autre figure du mouvement, Éric Drouet, avait relancé la controverse sur l’usage du LBD, principale arme mise en cause dans l’éborgnement de plusieurs gilets jaunes.

Pendant ce mouvement de contestation sociale, au moins 30 manifestants ont été éborgnés et cinq ont eu la main arrachée à cause d’une grenade, selon un décompte du journaliste David Dufresne, observateur des violences commises par les forces de l’ordre lors des rassemblements hebdomadaires, marqués par des affrontements dont les images ont fait le tour du monde.

Fin novembre, le procureur de Paris avait recensé 224 procédures ouvertes pour des accusations de violences illégitimes des forces de l’ordre, dont 148 classées sans suite. 25 affaires ont été confiées à des juges d’instruction, 46 dossiers étaient en cours d’examen avant d’éventuelles poursuites et 5 procès prévus ou déjà jugés, selon le magistrat.

Récemment, un policier a été mis en examen à Rennes pour “blessures involontaires”, dans l’enquête sur l’éborgnement de Gwendal Leroy, autre gilet jaune touché par un éclat de grenade. Aussi, un policier doit être prochainement jugé aux assises à Paris pour un autre tir de grenade, en 2016, à l’origine de l’éborgnement du syndicaliste Laurent Théron.

Konbini news avec AFP