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Témoignage : ma sœur se faisait harceler et avec ma famille, on n’a rien vu

Témoignage : ma sœur se faisait harceler et avec ma famille, on n’a rien vu

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© Elva Etienne / Getty Images

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Par La Zep

Publié le

Il a fallu que Morgane surprenne sa sœur en train de pleurer pour que celle-ci décide de tout déballer.

J’ai toujours été proche de ma sœur. On se disait tout. Quand elle avait dix ans, j’en avais treize. Quand elle était en sixième, j’étais en troisième.

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Pendant ses années de CM2 et de sixième, elle a commencé à arrêter de manger, à être souvent énervée pour rien. Ça ne lui ressemblait pas. D’habitude, c’était une fille souriante, mais un peu chiante quand même, une sœur, quoi.

D’un coup, tout ça s’est arrêté : elle faisait des crises, elle faisait semblant d’être malade pour ne pas aller en cours, elle a aussi arrêté de travailler. Ah oui, j’ai pas précisé que c’était une très bonne élève, à la base. J’ai vraiment mal vécu cette période, on ne rigolait même plus ensemble, c’était triste dans la maison. On se posait tous des questions sur ce qui se passait dans sa tête. C’est à ce moment-là que mes parents ont essayé de lui parler, mais rien.

Un soir, alors que je traînais sur Netflix, je l’ai entendue pleurer dans sa chambre. Je suis allée la voir, elle m’a à nouveau dit que tout allait bien. Après lui avoir répondu que je l’avais entendue, elle a fondu en larmes, en me disant : “j’en peux plus”. Vous imaginez, vous, votre sœur ou votre frère qui vous dit ça les yeux remplis de larmes ?

Elle avait honte de demander de l’aide

Elle a fini par me raconter tout ce qui lui arrivait depuis un an : ça avait commencé dans la cour de récré, simplement, avec des petites moqueries pas méchantes, des trucs d’enfants. Mais les moqueries se sont répétées.

Puis, les deux ou trois filles qui se moquaient se sont transformées en un groupe d’une dizaine d’élèves qui se réunissaient en trouvant n’importe quel prétexte pour se moquer, ou encore la bousculer et la rabaisser devant tout le monde.

Ensuite, ce qui se passait seulement au sein de l’école l’a suivi jusqu’à la maison, qui était jusque-là le seul endroit où elle pouvait s’échapper. Elle m’a montré certains messages d’insultes reçus sur les réseaux sociaux, anonymement, pour lui dire de “crever” par exemple. Elle m’a expliqué que c’était devenu habituel. Et forcément, au collège, j’ai rien vu : quand j’étais là, rien ne se passait et je ne la surveillais pas non plus.

J’ai tellement eu mal pour elle en l’entendant. Le pire, ça a été quand elle m’a dit qu’elle ne savait même pas pourquoi elle se levait le matin, qu’elle se sentait vide, seule. En fait, elle venait de me dire clairement que depuis un an, elle se faisait harceler sans jamais nous en avoir parlé. Quand je lui ai demandé la raison pour laquelle elle nous avait caché ça, elle m’a regardée, toujours en pleurant, en me répondant qu’elle avait honte, honte d’avoir besoin de demander de l’aide et peur que ça soit pire par la suite.

La voir comme ça, ça m’a fait vraiment mal

Forcément, j’en ai parlé à mes parents qui ont tout fait pour arranger les choses. Ils ont commencé par prévenir l’école de ce qui se passait. L’école a, à son tour, prévenu les parents des personnes qui la harcelaient. L’école a également interdit à cette bande d’élèves d’adresser la parole à ma sœur.

Dès que j’ai su ce qu’il se passait, j’ai pu surveiller et elle, elle savait qu’elle pouvait venir me voir s’il se passait le moindre truc. Avec ma famille, on a dû être là pour elle : lui parler, mais surtout l’écouter. Qu’elle sente qu’on était là pour elle et qu’elle n’était pas seule. C’était le plus important.

La voir comme ça, ça m’a fait vraiment mal, de voir à quel point on peut détruire une personne et la changer.

Mais bon, au fil des mois, elle a commencé à aller mieux, à se reconstruire. Au début, elle avait toujours cette boule au ventre en allant à l’école. Au bout de quelque temps, elle a compris qu’elle n’était pas toute seule, qu’elle avait des amis, une famille pour l’entourer. De plus, le harcèlement ayant cessé, elle a pu retourner à l’école et recommencer à s’épanouir sans craindre de se faire humilier.

Par contre, je ne peux pas m’empêcher de me demander jusqu’où elle aurait pu aller si, ce soir-là, je ne l’avais pas entendue pleurer ?

Morgane B., 17 ans, étudiante, Guerville

Ce témoignage provient des ateliers d’écriture menés par la ZEP (la Zone d’Expression Prioritaire), un média d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans, qui témoignent de leur quotidien comme de toute l’actualité qui les concerne.