Témoignage : lesbienne, je fais honte à mes parents

Témoignage : lesbienne, je fais honte à mes parents

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© Malte Mueller / Getty Images

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Par La Zep

Publié le

Mon premier grand amour, ma famille et mes parents ont tout fait pour le détruire.

Le problème, c’est moi. Je ne suis pas normale, je dois être malade. Qu’est-ce que mes parents ont fait pour que je sois comme ça ? “C’est une honte, qu’est-ce qu’on va faire de toi ? Salope !”

Je n’y peux rien, cette fille me plaît. Elle a un joli visage, une peau de bébé, il y a comme une putain d’attraction. Des sentiments aussi purs et innocents que l’amour, qu’est-ce qu’il peut y avoir de mal à ça ?

“C’est dégueulasse, qu’est-ce que vous pouvez faire entre filles ?”

C’était en 2011. J’ai rencontré Jennifer après des mois de tchat sur Internet. C’était sur une connerie de site de rencontre, sûrement Tinder. Elle a traversé la France pour moi. On était prêtes à tout l’une pour l’autre, mais on avait décidé de garder notre relation secrète. Je sentais que ça ne passerait pas auprès de ma famille. Ce qu’on avait créé était la chose la plus importante à nos yeux, c’était précieux.

Sauf qu’ils l’ont su et l’enfer a commencé. M’empêcher de la voir, de sortir, me rabaisser, m’insulter. C’était parti pour des années de souffrance. Chaque matin, à me réveiller chez eux, j’attendais impatiemment la fin de journée. Chaque soirée, je ressentais les mêmes peurs jusqu’à m’endormir.

Il m’a fallu presque dix ans pour comprendre que les parents peuvent être nocifs pour l’épanouissement de l’enfant. Il n’y a pas eu de dispute précise, de moment-cassure, tous étaient des moments-cassure…

Le décor s’est planté lentement, une base solide. “Mais qu’est-ce qu’on va penser de nous ?”, disait ma mère. Quand on était en société : “Ce n’est qu’une passade.” Quand on faisait les magasins avec ma copine : “Ne vous tenez pas la main.” Quand on était dans l’intimité : “C’est dégueulasse, qu’est-ce que vous pouvez faire entre filles ? Un homme, c’est tellement mieux.”

Jennifer et les suivantes, elle les a toutes présentées comme des “amies” à son entourage, et m’empêchait chaque geste tendre…

Le problème, c’est eux

C’est à 20 ans que j’ai réalisé à quel point leur attitude n’était pas normale, pendant les repas de famille avec les oncles, les tantes et cousins. J’étais déjà partie de chez mes parents depuis deux ans, à vaciller entre les appartements qu’ils voulaient bien me louer et une nouvelle relation qui m’avait accueillie. Ma première vraie relation, le grand amour, ils ont tout fait pour que je m’en sépare.

Le moment qui m’a le plus marquée, c’est quand une fois, dans le jardin, contente, mais méfiante que mon entourage accepte aussi facilement ma moitié, j’ai décidé de m’approcher d’elle et de l’embrasser. D’un coup, j’ai senti une main dans mes cheveux me tirer violemment en arrière. C’était ma mère : “Tu me fais honte.”

L’humiliation. L’incompréhension. Comment pouvait-on en arriver à vouloir détruire l’identité de sa fille pour ne pas avoir à subir le regard des autres ? À partir de là, j’ai compris.

Depuis, je me tiens le plus éloignée d’eux possible. J’ai encore cette petite voix en moi qui me dit parfois : “Tu n’es pas normale.” Mais je fais des rencontres rassurantes et je crée des relations de confiance. Parce que le problème ce n’est pas moi. C’est eux.

Manon, 25 ans, volontaire en service civique, Toulouse

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Ce témoignage provient des ateliers d’écriture menés par la ZEP (la Zone d’Expression Prioritaire), un média d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans, qui témoignent de leur quotidien comme de toute l’actualité qui les concerne.