Témoignage : “J’ai honte de dire que je suis Roumain”

Témoignage : “J’ai honte de dire que je suis Roumain”

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Par La Zep

Publié le

Iuli vit en France depuis plus de 10 ans et il en a marre des préjugés que beaucoup de Français ont sur les Roumains.

Un jour d’été, je suis allé jouer au foot sur un terrain près de Bonneuil-sur-Marne avec un très bon ami à moi. Je le connaissais depuis longtemps parce qu’on était dans la même classe en Roumanie. On avait 14 ans. Ce jour-là, des jeunes de notre âge ont commencé à chanter une chanson très connue à l’époque qui s’appelait Color Gitano de Kendji Girac et ils nous ont traités de gitans, de voleurs, de pauvres.

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C’était la première fois. Avant ça, je ne savais pas que les Roumains étaient mal vus par les Français. J’étais arrivé en France seulement quelques mois avant pour rejoindre mes parents. Ils avaient quitté la Roumanie en 2007 à cause d’histoires politiques. Au début, j’étais trop content. J’allais pouvoir connaître d’autres gens, un autre pays.

Bref. L’été est passé, l’école a commencé. J’ai été dans une classe pour apprendre à parler français jusqu’aux vacances de Noël, puis je suis entré en troisième. Ce n’était pas si mal, je m’entendais bien avec tout le monde. Au début, ça allait, mais quand ils ont découvert d’où je venais, les remarques ont commencé. Il y a eu des jeunes du collège qui ont mal parlé de moi à d’autres jeunes.

“J’ai vu tes parents chercher dans des poubelles !”

Une fois, pendant un cours de maths, mon voisin m’a demandé : “T’habites dans une caravane ?” Pendant la récréation, d’autres ont ajouté : “J’ai vu tes parents chercher dans des poubelles !” Moi, je n’ai pas pu leur répondre parce que je ne savais pas bien m’exprimer. J’avais peur de parler en faisant des fautes et qu’ils rigolent encore plus de moi.

Au collège, il n’y avait pas beaucoup de gens qui me faisaient confiance. Quand quelque chose disparaissait, il y avait beaucoup de regards sur moi. Quand on était dans la classe, si un stylo était perdu, je sentais les regards sur moi. Je ne me sentais pas bien, parce qu’ils m’accusaient toujours alors que je n’ai jamais rien volé. Au début, je ne comprenais pas trop. Quand j’ai commencé à comprendre la langue, j’ai compris que tout ça, c’était parce qu’ils assimilaient les Roumains à des gitans et à des voleurs.

J’ai honte de dire que je suis Roumain

Quand quelqu’un me demande d’où je viens, j’ai honte de dire que je suis Roumain, parce que j’ai peur d’être exclu et critiqué. Au collège, par exemple, je n’étais jamais invité dans les soirées ou aux anniversaires. Beaucoup de personnes évitaient de me parler et même de me dire juste : “Salut !”

Encore aujourd’hui, ça continue : je n’ai pas trop d’amis d’origine française. Mais j’ai eu la chance de connaître d’autres jeunes Roumains. Avec eux, je m’entends mieux. Beaucoup de monde me dit que je suis “un roumain riche”, parce que les gens croient que les Roumains sont des pauvres.

Maintenant, j’ai 18 ans, j’ai arrêté de me prendre la tête pour expliquer qui je suis. Mais je me sens mal dans ce pays. Et j’ai peur d’être discriminé plus tard quand j’aurai un travail. Je voudrais bien rentrer en Roumanie, mais il se passe des choses malheureuses là-bas. Ça dure depuis quelques années à cause du Parlement.

C’est pour ça que, petit à petit, beaucoup de personnes quittent la Roumaine pour aller dans d’autres pays. Pendant mes années d’études, à l’école, j’ai quand même essayé d’en parler avec quelques personnes. J’ai essayé d’expliquer qui j’étais, comment c’était là-bas et je crois que j’ai changé l’avis de quelques personnes sur les Roumains.

Iuli, 18 ans, étudiant, Bonneuil-sur-Marne

Ce témoignage provient des ateliers d’écriture menés par la ZEP (la Zone d’Expression Prioritaire), un média d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans, qui témoignent de leur quotidien comme de toute l’actualité qui les concerne.