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Témoignage : comment j’ai réchappé d’une forme grave de la maladie de Lyme

Témoignage : comment j’ai réchappé d’une forme grave de la maladie de Lyme

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© Jeanne Salvi

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Par Lisa Drian

Publié le

À 18 ans, Jeanne a dû se faire soigner en Allemagne ; la forme chronique de sa maladie de Lyme n’étant pas reconnue en France.

Cette piqûre de tique à ses 5 ans aurait pu ne pas avoir d’importance, comme dans la plupart des cas. Elle aurait pu s’apparenter à une petite blessure superficielle lorsqu’on est enfant. Du désinfectant, et hop. Pourtant, Jeanne s’en souvient bien : “On était en vacances en Auvergne, j’étais avec mes cousins et cousines, on faisait des roulades dans un champ. Je suis remontée vers mes parents et ils ont vu la tique dans mon cou. C’est tout bête.” 

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Tout bête, mais c’est cette toute petite piqûre qui a fait que l’ancienne nageuse de natation synchronisée, qui entame aujourd’hui ses études, a été longtemps dans un fauteuil roulant, à bout de forces. Ça a commencé par des douleurs articulaires au moment de l’adolescence. Sportive, Jeanne a d’abord mis ces douleurs sur le compte de ses diverses activités. D’autres – les médecins – ont mis ça sur le dos de la croissance. Mais aujourd’hui, la jeune femme de 18 ans l’affirme : “Si [elle avait] eu des antibiotiques directement après la piqûre, [elle n’aurait] peut-être pas subi de telles conséquences.”

Une piqûre qui empoisonne la vie

C’est à partir de 2019 que Jeanne commence à se poser des questions. Les symptômes deviennent de plus en plus violents. “J’ai dû arrêter progressivement le sport. Ensuite, j’avais des crampes à chaque fois que je marchais, j’ai dû utiliser des béquilles. Ça s’est par la suite développé dans mes bras, mes avant-bras. C’est vraiment devenu de plus en plus fort et invalidant”.

Puis, tout s’enchaîne. Viennent alors les maux de tête, les tremblements, surtout dans les mains. “Parfois j’avais les doigts qui se paralysaient pendant deux, trois jours”, confie-t-elle. En janvier 2020, ça se complique : “J’avais de grosses migraines, j’étais obligée de rester enfermée dans le noir pendant une journée entière. Parfois, je n’arrivais plus du tout à lire ou écrire, ma concentration était vraiment limitée. Je n’arrivais plus à suivre une conversation avec quelqu’un. Une nuit, je me suis réveillée avec le côté droit du visage complètement paralysé.” En janvier, le diagnostic est posé : Jeanne souffre d’une neuroborréliose chronique, une forme rare et grave de la maladie de Lyme. 

La fatigue est constante. Ses genoux lâchent lors de promenades, sans qu’elle ne sache vraiment pourquoi. Jeanne se retrouve à terre, avec ses questions et son incompréhension. “C’est à partir de septembre 2020 que tout s’est aggravé. Petit à petit, j’étais paralysée du bras gauche, et je ne pouvais plus du tout utiliser mes deux jambes. Je n’arrivais plus à faire les choses seule. Comme je n’avais plus qu’un bras, je ne pouvais pas me laver toute seule, m’habiller seule, lire, écrire, c’était vraiment un quotidien compliqué.” Jeanne est alors en DUT de gestion des entreprises. Depuis décembre 2020, exit les cours, même à distance. La jeune femme est désormais trop épuisée pour suivre le rythme. Sa vie de jeune étudiante se résume aux examens médicaux. 

Établir un diagnostic, le parcours du combattant

Il aura fallu 2 ans. Deux années pour poser un diagnostic clair et précis. Plusieurs médecins étaient catégoriques au sujet de Jeanne : un choc psychologique aurait déclenché tous les symptômes. “Certains médecins disaient qu’à 17 ans, on se cherchait un peu, qu’on ne savait pas quoi faire de notre vie et qu’on avait peut-être besoin d’attention, que c’était pour ça que je me créais mes symptômes. D’autres disaient que c’était juste le stress, que j’étais trop tendue et qu’il fallait que je fasse de la relaxation”

Jeanne en est persuadée au fond d’elle : il y a autre chose. Mais à force d’avoir ce même retour des médecins, elle accepte de prendre un traitement antidépresseur qui s’est finalement avéré inefficace. “Quand j’ai su le diagnostic j’étais presque contente, soulagée. Je me suis dit ‘enfin je vais pouvoir prouver que j’ai quelque chose, on va pouvoir me traiter. Ça existe, je ne suis pas folle, je ne m’invente pas tout ça.'” Le diagnostic est enfin posé grâce à une médecin qui connaît bien la maladie de Lyme, l’ayant elle-même contractée. Elle voit en Jeanne tous les symptômes. Au total, la jeune femme en cumule plus de vingt.

“Je me voyais mourir chaque jour” : l’Allemagne, seule porte de sortie 

Après une prise de sang qui s’est révélée positive à la maladie, les premiers traitements en France s’avèrent inefficaces. Ils ne sont pas assez longs et la maladie sous sa forme chronique n’est pas reconnue dans le pays. Jeanne fait des rechutes. Après 2 ans de galères, direction l’Allemagne. Le pays voisin semble la seule porte de sortie, le seul chemin possible vers la guérison. Jeanne parle d’un “manque de fiabilité des tests [en France] parce qu’il y a énormément de malades de Lyme négatifs en France et positifs en Allemagne.”

La situation de la jeune femme empire avant qu’elle n’arrive dans cette clinique spécialisée dans la maladie de Lyme.

“Je me voyais mourir chaque jour. Je me réveillais le matin, j’attendais d’être le lendemain, je ne pouvais rien faire. J’avais des symptômes au niveau du cœur et du système nerveux. J’étais vraiment très atteinte.” Alors, elle n’a pas hésité. Je suis partie le 8 mars dernier en Allemagne. J’avais 5 heures de perfusions d’antibiotiques par jour, de l’oxygénothérapie, de la luminothérapie et beaucoup de kiné. Je suis restée dans cette clinique du 8 mars au 10 avril.”

© Jeanne Salvi

Et en plus d’un mois, les progrès ont été fulgurants : “J’ai pu me lever de mon fauteuil, chaque jour je sentais un peu plus mon bras, ma main bougeait à nouveau. Chaque jour, des symptômes disparaissent.” Les acouphènes dans les oreilles s’estompent, la mémoire lui revient.  La jeune femme aurait pu se faire soigner sur Paris mais le temps de prise en charge était de deux ans. Par dépit et “désespoir total”, Jeanne et  sa mère optent pour l’Allemagne. “En France, on avait déjà tout essayé”, expliquent-elles. 

“Dans un an, tu seras une nouvelle personne” 

Aujourd’hui, Jeanne a retrouvé le sourire et sa bonne humeur. Les médecins semblent optimistes. “Dans un an, tu seras une nouvelle personne”, ont-ils promis. “Un an évidemment que c’est long, mais dans l’état où j’étais c’est incroyable de se dire que je peux retrouver une vie normale”, sourit la jeune femme. 

Après plus d’un mois de très lourds traitements, de rééducation quotidienne, Jeanne tient toujours, à son petit niveau, à faire de la prévention. Elle raconte son combat à travers les réseaux, sur ses pages Instagram et Facebook

Entre 2009 et 2019, 25 000 à 68 530 personnes sont touchées par la maladie de Lyme chaque année, indique le site de Santé Publique France. “Je trouve qu’il est très important de rappeler que lorsqu’on sort en forêt, il faut être vigilant et couvert de la tête aux pieds. Sinon, des sprays existent, et il faut consulter dès qu’on se fait piquer. Il y a une méconnaissance de cette maladie en France au niveau de la forme chronique de Lyme et au niveau de tous les symptômes que ça peut engendrer”, avertit la jeune femme.