Témoignage : cette France, tu l’aimes ? Moi, je la quitte

Témoignage : cette France, tu l’aimes ? Moi, je la quitte

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Beni / Insta @daydsonjr

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Par La Zep

Publié le

"Discrimination à l'embauche, traitement médiatique des minorités, je ne me sens plus à l'aise dans ce pays. "

J’ai toujours eu pour objectif de partir vivre à l’étranger après mes études. Ce mois-ci, j’ai sauté le pas et me voilà enfin résident londonien. En France, je trouve que les opportunités professionnelles pour les jeunes diplômés ne sont pas incroyables et pourtant, j’ai un bon background : je sors d’une école de commerce qui est dans le top 10 en France et d’un master 1 en communication. Oui, mais je suis… noir !

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La recherche de stage ? Pas facile quand on est issu des minorités.

Ce qui est frustrant en France, c’est le modèle élitiste : t’as fait telle école, tu connais telle personne, et c’est ce qui va te permettre de trouver un emploi.

Lorsqu’il fallait trouver un stage dans mon école de commerce, nous étions une majorité à penser que le prestige de notre école allait faire la différence sur le CV, sauf que la réalité était tout autre. La plupart des étudiants qui trouvaient des stages chez L’Oréal, Chanel ou Louis Vuitton étaient blancs et avaient des pistons. Là où certains mettaient quelques jours pour décrocher un stage, je me souviens qu’avec mes amis de la promo qui, pour la plupart, étaient issus des minorités, on mettait des mois. Et la plupart du temps, on trouvait nos stages au dernier moment. Et encore… si on en trouvait. C’était vraiment chaud. 

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C’est encore plus compliqué pour les gens comme moi. La discrimination à l’embauche en France est réelle, des études l’ont démontré. C’est ce qui m’a poussé à quitter la France pour l’Angleterre. Ici, on juge davantage un profil à ses compétences et à son expérience. Cela ne fait que deux semaines que je suis ici et j’ai déjà quelques entretiens programmés. Je n’ai pas un excellent niveau en anglais, chose que j’ai mentionnée sur le CV, mais ça n’a pas empêché les entreprises de me contacter et d’être intéressées par mon profil.

Médias, injustices : je ne me sens plus à l’aise.

En ce moment en France, il y a une montée de la xénophobie et des tensions sociales et raciales qui font que je ne me sens plus à l’aise dans notre cher Hexagone. Dans les médias, j’observe une diabolisation constante des minorités visibles. L’acharnement politique et judiciaire que subit Assa Traoré, l’affaire Theo Luhaka, celle de Naomi Musenga… On veut faire croire aux Français qu’il y a une sorte de grand remplacement et qu’ils ne seront bientôt plus chez eux et en sécurité à cause de gens comme moi. Quand on voit que des personnes comme Zemmour ont leur propre émission, sont invitées sur les plateaux de chaînes nationales et balancent des discours haineux chaque semaine à l’égard des minorités visibles… Ça alerte.

Récemment, le chanteur Corneille a dit dans une interview qu’il en voulait à son père pour le massacre de toute sa famille au Rwanda, qu’il le tenait en quelque sorte pour responsable parce que ce dernier avait vu tous les signes du conflit arriver sans prendre la décision de partir. Eh bien aujourd’hui en France (dans une moindre mesure bien sûr), je vois trop de signes négatifs pour les gens comme moi, j’ai donc préféré partir.

Depuis que je suis à Londres, le contraste avec la France est saisissant.

Je vois des musulmans prier dans la rue et distribuer des corans sans que personne ne soit paniqué ou n’appelle la police. Je vois des sikhs au parlement avec leur turban sur la tête, etc.

Mon objectif final est de partir au Canada, car en matière d’ouverture d’esprit et de mentalité, c’est là où je pense pouvoir me sentir réellement bien. Là-bas, la politique d’intégration est favorable à la diversité des cultures et on n’attendra pas de moi que je m’assimile à une culture dominante, mais plutôt que je garde ma propre identité culturelle. La population là-bas est plus considérée comme étant une mosaïque, alors qu’en France…

Beni, 23 ans, en recherche d’emploi, Londres

Ce témoignage provient des ateliers d’écriture menés par la ZEP (la Zone d’Expression Prioritaire), un média d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans, qui témoignent de leur quotidien comme de toute l’actualité qui les concerne.