Quatre mois avec sursis requis contre le policier qui avait dit : “Un bicot, ça ne nage pas”

Quatre mois avec sursis requis contre le policier qui avait dit : “Un bicot, ça ne nage pas”

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Image d’illustration. © Xose Bouzas / Hans Lucas

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Par Astrid Van Laer

Publié le

"J’avais besoin de décompresser et faire marrer la galerie", a déclaré le policier de 26 ans.

“Un bicot comme ça, ça ne nage pas” : jeudi soir à Bobigny, quatre mois de prison avec sursis ont été requis contre un policier qui avait proféré des injures racistes lors de l’interpellation d’un Égyptien en avril 2020.

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“Un policier a un devoir d’exemplarité”, a fait valoir le procureur Loïc Pageot, qui a aussi réclamé une amende de 1 000 euros. “‘Bicot’ a une connotation particulière, même soixante ans après les faits. Quand on repêche quelqu’un, ces mots gardent toute [leur] signification”, a souligné Loïc Pageot, en évoquant le massacre de manifestants algériens le 17 octobre 1961 à Paris. Les corps de plusieurs dizaines de victimes avaient été jetés dans la Seine.

Contre les six autres fonctionnaires de police poursuivis pour des violences sur citation directe de la partie civile, le ministère public n’a pas requis de condamnation, faute de preuve formelle. “Personne n’a vu ce qu’il s’est passé”, a-t-il relevé. À l’issue de quinze heures d’audience, la décision a été mise en délibéré au 6 janvier 2022.

“Ha ! ha ! Ça coule, tu aurais dû lui accrocher un boulet au pied”

Pour rappel, le 26 avril 2020, vers 1 h 30 du matin, des policiers avaient interpellé à L’Île-Saint-Denis, en Seine-Saint-Denis, un ressortissant égyptien soupçonné de vol de matériel sur un chantier et qui avait tenté, selon des sources policières, de prendre la fuite en se jetant dans la Seine.

Sur les faits de vol, l’affaire a été classée sans suite. Après avoir sorti le jeune homme du fleuve, un des policiers avait déclaré : “Un bicot comme ça, ça ne nage pas”, selon une vidéo captée par un riverain et diffusée par le journaliste Taha Bouhafs sur les réseaux sociaux. “Ha ! ha ! Ça coule, tu aurais dû lui accrocher un boulet au pied”, pouvait-on également entendre.

“J’allais mourir”, a expliqué Samir Elgendy à la barre, aidé d’une interprète. Ce dernier a expliqué être sorti “seul de l’eau”. Une fois sur la berge, “ils m’ont tous frappé”, a martelé le jeune homme. Les violences se sont poursuivies “dans le fourgon” et “tout au long du chemin pour aller au commissariat”, a affirmé l’ouvrier de 29 ans, qui a eu “peur” de porter plainte car en situation irrégulière.

“Un moment d’humour”

C’est “une blague de mauvais goût”, s’est défendu le fonctionnaire qui a usé du terme “bicot”. “J’avais besoin de décompresser et faire marrer la galerie”, a déclaré le policier de 26 ans, issu des effectifs de nuit de la direction territoriale de la sécurité publique des Hauts-de-Seine.

“Je regrette cette blague”, a poursuivi le fonctionnaire longiligne, vêtu d’un sobre costume bleu. À l’époque des faits, il jugeait que “bicot” “n’était pas une insulte, mais un mot familier comme ‘rebeu'”, ajoutant avoir depuis “banni” ce mot de son vocabulaire. Le deuxième policier qui a reconnu les propos injurieux a aussi évoqué “une blague potache pour s’amuser”. Un autre a plaidé “un moment d’humour”, “on est des humains, après tout”. “Un fonctionnaire de police avant tout !”, a rétorqué le procureur.

“La parole raciste se libère”

Quatre associations antiracistes (Licra, MRAP, LDH, SOS Racisme) se sont portées partie civile dans cette affaire. Les sept policiers poursuivis, âgés de 26 à 35 ans, ont tous réfuté des violences à l’égard de Samir Elgendy. Ils justifient les cris et l’appel à l’aide de la victime capté sur un enregistrement par le “stress” dû à l’interpellation.

Dans sa plaidoirie, l’avocat de Samir Elgendy, Me Arié Alimi, a estimé qu’il fallait “sanctionner cette parole raciste dans un pays où la parole raciste se libère”. “La justice est une digue”, a-t-il insisté. Les avocats de la défense ont, pour leur part, tous plaidé la relaxe pour les policiers. Ils ont dénoncé “une récupération politique” pour “cracher sur l’institution policière”, a estimé Me Laurent-Franck Lienard, l’avocat du principal prévenu.

Dans cette affaire, qui avait suscité l’indignation, deux policiers ont été sanctionnés administrativement en octobre par cinq jours d’exclusion ferme. Le directeur général de la police nationale, Frédéric Veaux, était allé au-delà des recommandations du conseil de discipline de la préfecture de police, qui en avait proposé trois.

Konbini news avec AFP