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Pourquoi les lieux échangistes et libertins pourront rouvrir avant les boîtes de nuit ?

Pourquoi les lieux échangistes et libertins pourront rouvrir avant les boîtes de nuit ?

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Motortion / Getty Images

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Par Pauline Ferrari

Publié le

Certains députés ont dénoncé un supposé traitement de faveur accordé aux établissements libertins.

C’est la prochaine grande étape du déconfinement : après la réouverture des terrasses pour les bars et les restaurants le 19 mai dernier, le 9 juin annonce l’augmentation des jauges dans certains lieux, notamment en intérieur. Les salles de sport devraient également accueillir de nouveau du public à partir de cette date.

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Malgré tout, les lieux de fête comme les boîtes de nuit restent désespérément fermés depuis le 16 mars 2020. Un état critique pour ces établissements : “Un tiers des boîtes de nuit françaises ne rouvriront pas après la crise”, avait déclaré sur Franceinfo Patrick Malvaës, président du Syndicat national des discothèques et lieux de loisirs.

D’autant que pour les établissements libertins et échangistes, certains ont déjà pu rouvrir, ou s’y apprêtent le 9 juin prochain. Une comparaison entre le régime des boîtes de nuit et celui des lieux échangistes et libertins a été faite par plusieurs députés, lors des débats sur les modalités du pass sanitaire, qui devrait être instauré début juin.

Ainsi, le député LR de La Manche Philippe Gosselin s’est étonné : “Il n’est pas demandé de rouvrir ce soir les discothèques mais de permettre au cas où, au 1er juillet, de le faire. Eh bien non ! Parce que ce n’est pas possible, parce que ceci, parce que cela. Oui, eh bien [sachez] que les clubs libertins eux vont pouvoir rouvrir. Et il est bien connu que dans ces clubs, on pratique tous les gestes barrières. C’est même d’ailleurs pour ça qu’on y va !”

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Une polémique qui a enflé suite aux propos de l’élu des Pyrénées-Atlantiques et membre du groupe Libertés et Territoires Jean Lassalle, qui a déclaré au sein de l’hémicycle : “Les plus anciens d’entre nous savent que les lieux d’échangisme sont restés ouverts durant tout le confinement, de très nombreux de nos collègues y avaient leurs habitudes lors des mandats précédents et je ne compte même pas les ministres !”

Si ces établissements ne sont pas restés ouverts, contrairement aux propos de Jean Lassalle, il est vrai que certains lieux vont pouvoir rouvrir dans les prochaines semaines, comme nous le confirme Rémi Calmon, directeur du SNEG & Co, syndicat des lieux festifs et de la diversité. “Nous n’avons jamais fermé des lieux par typologie de clientèle, tous les établissements sont au même régime, il n’y a pas de discriminations”, a-t-il affirmé à Konbini News.

Des différences administratives

Mais alors pourquoi les lieux libertins et échangistes vont-ils pouvoir rouvrir avant les discothèques ? Tout est une histoire de classification administrative. Les ERP, les établissements recevant du public, comptent une trentaine de types différents, classés par lettres selon leur nature. Ainsi, Y pour les musées, L pour les cinémas ou encore P pour les discothèques. De plus, il existe un classement en fonction du nombre de personnes qu’ils peuvent accueillir. De fait, les établissements libertins n’ont pas de catégorie à part : en fonction de leur taille et de leur nature, ils peuvent être classés dans plusieurs catégories.

Ainsi, les saunas ou hammams sont classés en catégorie X (ça ne s’invente pas) et sont considérés comme des établissements sportifs couverts, au même titre que les salles de sport, qui ouvrent leurs portes le 9 juin. Si les établissements échangistes ou libertins sont classés comme des bars et possèdent un débit de boissons, ils ont déjà pu rouvrir leurs terrasses le 19 mai. Par contre, pour les clubs échangistes ou libertins, labellisés comme des boîtes de nuit, ils resteront fermés. 

Pour Rémi Calmon, il ne faut pas oublier qu’à compter du 9 juin, l’instauration du pass sanitaire et des QR codes de traçage, s’ils ne seront pas obligatoires pour fréquenter ces lieux, devraient permettre une plus grande responsabilité individuelle vis-à-vis du Covid. “Il y a maximum 500 établissements libertins ou échangistes en France, qui n’ouvriront qu’à demi-jauge, principalement en soirée et le week-end… On est loin de l’image qu’on renvoie”, a temporisé le directeur du SNEG & Co. De plus, il plaide la diversité des lieux qu’on appelle libertins ou échangistes : “La majorité sont des clubs, qui donc ne rouvriront pas encore, beaucoup plus que des bars, restaurants ou saunas libertins ou échangistes.” Une réouverture qui ne devrait donc pas conduire à une nuit d’orgie.

“Il faut sortir de l’image d’orgie qu’on a de ces lieux”

Problème : les lieux échangistes ou libertins ne sont pas réputés pour le respect des gestes barrières et la distanciation sociale… Le contact est d’ailleurs leur but premier. Pourtant, ces lieux seront tenus de s’y conformer. “Je pense qu’il faut sortir de l’image d’orgie qu’on a de ces lieux : ce sont avant tout des mondes d’amusement et de séduction”, défend Rémi Calmon. Ces espaces sont souvent divisés entre un bar-salon et des espaces plus privatifs. “En matière de contact, dans les parties privées, ce n’est pas différent que dans le cadre de soirées privées”, ajoute le directeur du SNEG & Co. À chacun donc de prendre ses responsabilités, tant du côté du Covid-19 que des maladies sexuellement transmissibles.

“Les gérants ne vont pas risquer une fermeture administrative, ce sera à eux d’être responsables avec leur clientèle”, soutient Rémi Calmon. En tout cas, les établissements pour adultes se tiennent prêts : sur certains sites Web, on peut lire “Vaccinés et prêts à vous accueillir le 9 juin”. Chez d’autres, on annonce déjà des contrôles de température à l’entrée ou encore l’obligation du masque… Il n’est cependant pas indiqué s’il faudra le garder durant les moments plus intimes. “Durant notre fermeture, nous avons vu un très grand nombre de soirées dites privées et on se rend compte que les gens attendent notre retour avec impatience !”, nous confie-t-on du côté d’un établissement libertin de la capitale.

Dans ce même établissement, on nous assure “un nettoyage encore plus minutieux, même si on était déjà au maximum”. Par contre, niveau distanciation sociale, cela risque d’être plus complexe : “Il n’y en aura pas, on vend tout le contraire.” L’établissement a cependant annoncé ne vouloir rouvrir que début juillet, en “restant logiques” par rapport à la situation sanitaire actuelle.

Pour les boîtes de nuit “classiques”, il faudra attendre. Malgré la levée des restrictions le 30 juin prochain pour tous les établissements recevant du public, il n’y a pas de calendrier prévu pour les discothèques. Les exploitants de boîtes de nuit ont rendez-vous le 15 juin prochain auprès d’Alain Griset, ministre délégué chargé des Petites et Moyennes Entreprises : “Pour l’instant, on ne leur a pas donné de date, mais je les ai reçus la semaine dernière en leur disant qu’au 15 juin au plus tard, on leur donnera une date prévisionnelle de réouverture”, avait-il déclaré sur BFM. Le 22 mai dernier, la demande des exploitants de discothèques pour une réouverture d’ici au 30 juin a été rejetée, le Conseil d’État jugeant que le maintien de leur fermeture n’était “pas disproportionné”.