Municipales : pas de vote en prison, malgré le “succès” aux européennes

Municipales : pas de vote en prison, malgré le “succès” aux européennes

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Un détenu devant les bulletins de vote à la prison de Fleury-Mérogys, lors des élections européennes – Mai 2019. © Philippe LOPEZ / AFP

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Par Astrid Van Laer

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Les détenus devront faire une procuration ou bénéficier d'une permission de sortir.

Malgré le “succès” du premier vote en prison lors des élections européennes, les détenus ne reprendront pas le chemin de l’isoloir aux municipales : invoquant des “difficultés organisationnelles”, les autorités ont préféré “mettre le paquet” sur l’inscription sur les listes électorales.

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Des détenus en file dans les coursives devant un “bureau de vote”, s’apprêtant à glisser leur bulletin dans une enveloppe : l’image était saisissante. Pour la première fois, en mai 2019, des prisonniers ont pu exercer leur droit de vote au sein même de leur établissement pénitentiaire.

Dès la proclamation des résultats, le directeur de l’Administration pénitentiaire Stéphane Bredin se félicitait de la réussite de l’opération, une promesse d’Emmanuel Macron. Pour autant, sans fermer totalement la porte, l’Administration pénitentiaire pointe déjà la “complexité” d’une réédition pour les scrutins locaux, a fortiori pour les municipales.

Aux européennes, les bulletins des détenus avaient été acheminés au ministère de la Justice, dans le 1er arrondissement de Paris, et les résultats rattachés à ce seul secteur.

En revanche, le vote par correspondance appliqué aux municipales relevait du casse-tête : deux tours à une semaine d’intervalle, les 15 et 22 mars, 36 000 maires à élire et autant de lieux de vote potentiels, souligne-t-on à la Direction de l’administration pénitentiaire (DAP).

Même dans le cas d’une maison d’arrêt comme Albi, qui compte une centaine de détenus, “si chacun était inscrit dans une commune différente et qu’il fallait envoyer le bulletin le jour J dans chaque lieu de vote, ça aurait été compliqué”, explique Amin Mbarki, chef du département des politiques sociales et des partenariats, à la DAP.

“C’est de l’enfumage ! Les prisons n’intéressent personne”

“Ce renoncement n’a aucun justificatif technique”, estime François Korber, délégué général de l’association d’aide aux détenus Robin des Lois et inlassable militant du vote en prison. “C’est de l’enfumage ! Les prisons n’intéressent personne”, déplore-t-il.

L’administration pénitentiaire avance quant à elle les délais “trop courts” et le “constat” mis en lumière par les européennes : de nombreux détenus n’avaient pu voter faute d’être inscrits sur les listes électorales. Lors du scrutin européen, ce sont finalement “4 550 [détenus] qui ont voté”, soit environ 85 % des détenus non déchus de leurs droits civiques, selon la DAP.

La “préoccupation première” a donc été de favoriser l’inscription sur les listes, avec formulaire distribué à chaque détenu, accompagnement personnalisé et actions de sensibilisation sur les enjeux des municipales.

Les inscriptions sont closes depuis le 7 février. La DAP n’était pas en mesure de fournir le nombre de nouveaux inscrits, mais pour M. Mbarki, il ne fait “aucun doute qu’il sera en hausse”.

Deux options : faire une procuration ou bénéficier d’une permission de sortir

Les 15 et 22 mars, les détenus enregistrés sur la liste d’une commune garderont deux possibilités pour voter : faire une procuration ou bénéficier d’une permission de sortir.

Ces deux modalités, permises depuis 1994, sont très difficiles à mettre en œuvre et ne se sont jamais traduites par une importante participation. Environ 2 % de la population carcérale a ainsi voté lors de la présidentielle de 2017.

Pour rendre plus effectif le droit de vote, certaines contraintes seront “levées dès 2021”, assure la DAP. Pour les procurations d’abord : les détenus n’auront plus l’obligation d’être inscrits sur la même commune que leurs mandants, en vertu de la loi relative à l’engagement de la vie locale et à la proximité de l’action publique, promulguée en décembre.

Cette même loi prévoit également “l’inscription systématique” sur une liste électorale à l’arrivée en détention. Les personnes détenues pourront par ailleurs voter par correspondance aux élections régionales de 2021, “uniquement si elles s’inscrivent sur la commune chef-lieu du département” où elles sont incarcérées, indique Amin Mbarki.

Si elles sont écrouées à Saint-Malo, elles devront donc s’inscrire à Rennes et les détenus de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, la plus grande d’Europe, devront le faire à Évry. Ce choix du chef-lieu permet d’avoir un impact mesuré sur le vote à l’échelle d’une commune.

Robin des Lois annonce de son côté maintenir “plus que jamais” son recours devant la cour administrative d’appel de Bordeaux, visant à contraindre les préfets à créer un bureau de vote dans un gymnase, une école ou une abbaye pour les détenus, “comme la loi électorale le permet”.