Mes jobs étudiants, mon indépendance à tout prix

Mes jobs étudiants, mon indépendance à tout prix

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© Atoms via Unsplash

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Par La Zep

Publié le

Pour être autonome, Solène a trouvé des jobs étudiants. Gagner de l’argent, au risque de passer à côté de ses projets d’avenir.

J’ai cherché à prendre mon indépendance très vite, pas parce que je ne m’entendais pas avec ma famille, mais parce que je sentais que je devais découvrir certaines choses par moi-même. Mes parents habitent à la campagne, j’ai donc décidé de m’exiler en ville pour le lycée, en internat.

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Après ces trois ans, je suis partie une année en Irlande, toujours avec ce désir d’être indépendante. J’ai eu mon premier job là-bas comme jeune fille au pair. La maman me donnait l’argent en liquide, et je me suis très vite retrouvée avec une grosse somme en poche. J’étais obnubilée et je comptais souvent les billets.

Quand je suis revenue en France, il était hors de question pour moi de vivre chez mes parents, cette maison n’était plus la mienne.

Deux jobs étudiants et du baby-sitting

Bien décidée à reprendre mes études, j’ai trouvé un appartement sur Bordeaux avec un loyer plutôt raisonnable. Mes parents ont tout de suite voulu m’aider et ça a été très dur de les laisser faire. Ils voulaient absolument participer. On est donc partis du principe que, comme ils me gardaient sur le foyer fiscal de la famille pour payer moins d’impôts et que ça m’empêchait de toucher les bourses, ils seraient ma bourse. Je ne voulais pas que, sous prétexte d’être mes parents, ils m’en donnent plus. On a donc calculé ce que j’aurais dû toucher si j’avais eu les bourses.

Ma première année de fac s’est plutôt bien passée. J’avais encore pas mal d’argent de côté grâce à l’Irlande. Je sortais souvent avec mes amies, mais j’étais assez raisonnable. Je ne suis pas quelqu’un de très matérialiste, donc je ne m’achetais que très peu de vêtements. Mais l’été est arrivé, les sorties se sont intensifiées, et l’argent s’est envolé. J’ai trouvé un travail, mais ce n’était pas assez. J’en ai donc trouvé un deuxième. Et, malgré les heures, j’ai bien profité de mon été.

Mais, à la rentrée, je n’avais pas vraiment économisé et les boulots d’été ont été reconduits pour l’année. La fac a repris et je me suis dit que je pourrai tout gérer. En quelques mois à peine, j’étais de nouveau bien financièrement, j’avais même des baby-sittings réguliers en semaine. J’avais comme objectif de partir en Nouvelle-Zélande après ma licence, il me fallait donc des économies. Je sortais souvent avec mes amies le soir, j’avais la belle vie.

Jobs étudiants : l’appel de l’argent était plus fort

La charge de travail était cependant conséquente. Une journée à cette époque pouvait ressembler à ça : je commençais les cours à 8 h 30, je finissais à 11 h 30, puis je devais être à midi au restaurant où j’étais hôtesse d’accueil. Je finissais à 17 h 30. À 18 heures, je devais être chez une personne en tant qu’auxiliaire de vie pour, au final, être à 20 heures chez le petit que je gardais jusqu’à 1-2 heures du matin.

Mes notes à la fac ont commencé à chuter. Je n’étudiais plus chez moi, trop occupée à travailler ou à sortir. Et quand j’allais en cours, c’était pour rattraper mes heures de sommeil, ou alors je partais en avance pour arriver à l’heure au travail et pouvoir donner toujours plus d’heures. Cette situation m’allait très bien. J’aime étudier, mais l’appel de l’argent était plus fort.

Je ne gagnais pas des masses, mais assez pour mon style de vie. Je me suis même dit que je pouvais recommencer à prendre des cours de danse. J’avais arrêté pour me concentrer sur le bac. J’ai donc décidé d’arrêter un des boulots, celui qui ne payait pas bien : auxiliaire de vie. Ça m’a dégagé mes week-ends. Pourtant, à peine ma lettre de démission envoyée, je signais déjà un contrat plus gros dans le restaurant où je travaillais. Mes week-ends étaient de nouveau pris, mais j’allais gagner plus. Tant pis pour la danse…

À la fac, larguée dans beaucoup de matières

Je ne rentrais pratiquement plus voir mes parents, à toujours courir à droite à gauche. Sans m’en rendre compte, l’argent était devenu une obsession. J’aimais sortir et me débrouiller seule. J’avais trop peur de manquer de quelque chose et de devoir demander de l’aide, alors que je criais sur tous les toits que j’étais indépendante. Une très bonne amie à moi m’a dit qu’il fallait que je ralentisse et que j’apprenne à dire non, et même si j’étais d’accord avec elle, je n’ai pas arrêté. Puis, je suis arrivée en troisième année de fac.

La difficulté a encore augmenté et j’étais larguée dans beaucoup de matières. Je n’ai pas eu mon premier semestre, je n’étais pas loin — 9,21 – mais pour moi, ça a été une catastrophe. J’ai commencé à faire des crises de panique. Je ne pouvais pas arrêter de travailler parce que c’est ce qui m’apportait de l’argent et, même si à ce moment-là, j’avais pas mal d’économies de côté, ayant le désir de vivre à l’étranger l’année suivante, j’en voulais toujours plus. Et en même temps, il était inconcevable pour moi de redoubler ma troisième année. J’étais à bout de forces et je savais que je ne tiendrai pas une quatrième année comme ça.

Avec le confinement, j’ai enfin eu le temps d’étudier

L’annonce du premier confinement a été un soulagement. Je ne pouvais plus travailler au restaurant, la famille du petit que je gardais est partie se confiner ailleurs, et j’ai enfin eu le temps d’étudier les cours que les profs me donnaient. J’ai recommencé à rendre des devoirs avec le sentiment d’avoir tout donné, et que ce n’était pas bâclé parce que le devoir avait été fait en pleine nuit.

En reprenant un rythme normal, j’ai réussi à avoir mon année, ce qui n’était pas gagné. Après le confinement, je suis retournée au restaurant, puis j’ai trouvé un service civique et j’ai décidé de ne pas travailler à côté, de prendre du temps, juste pour moi.

Je ne sais pas pourquoi, mais gagner de l’argent a créé chez moi une dépendance dans laquelle j’étais prête à me perdre. Alors que, même si ma famille ne roule pas sur l’or, elle gagne assez pour vivre bien. Je pense que cette tendance à en vouloir toujours plus sera toujours en moi, mais cette expérience m’a permis de me rendre compte qu’à vouloir trop en faire, on fait les choses mal.

Solène, 23 ans, volontaire en service civique, Bordeaux

Ce témoignage provient des ateliers d’écriture menés par la ZEP (la zone d’expression prioritaire), un média d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans, qui témoignent de leur quotidien comme de toute l’actualité qui les concerne.