Hydroxychloroquine : l’Agence du médicament oppose une fin de non-recevoir au Pr Raoult

Hydroxychloroquine : l’Agence du médicament oppose une fin de non-recevoir au Pr Raoult

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© Christophe SIMON / AFP

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Par Clothilde Bru

Publié le

L'ANSM a adressé une lettre de huit pages au microbiologiste marseillais pour expliquer cette décision.

Pas question d’autoriser largement l’hydroxychloroquine en France contre le Covid-19 : l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a refusé au Pr Didier Raoult une utilisation plus étendue de cette molécule, qui n’a toujours pas fait la preuve de son efficacité.

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“Nous ne pouvons pas répondre favorablement à la demande de RTU (recommandation temporaire d’utilisation, ndlr) de l’hydroxychloroquine dans la prise en charge de la maladie Covid-19”, indique l’ANSM, dans un point d’information mis en ligne sur son site Internet vendredi 23 octobre.

“À ce jour, les données disponibles, très hétérogènes et inégales, ne permettent pas de présager d’un bénéfice de l’hydroxychloroquine, seule ou en association, pour le traitement ou la prévention de la maladie Covid-19”, tranche-t-elle.

L’hydroxychloroquine est commercialisée en France par le laboratoire Sanofi sous le nom de Plaquenil, mais pour d’autres maladies comme des rhumatismes ou certains lupus.

La prescription par un médecin d’un médicament hors des indications prévues par l’autorisation de mise sur le marché (AMM) doit se faire “au cas par cas”, en informant le patient des risques encourus et du non-remboursement, et la mention “hors AMM” doit figurer sur l’ordonnance.

La recommandation temporaire d’utilisation (RTU), qui donne accès au remboursement, vise une prescription hors AMM massive, au-delà de la prescription au cas par cas. D’où la demande de l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection, dirigé par Didier Raoult, qui a de très nombreux patients. 

Un “deux poids deux mesures”, a réagi Didier Raoult sur Twitter après ce refus, accusant l’ANSM de favoriser l’antiviral remdesivir (Gilead) au détriment de l’hydroxychloroquine.

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“Consensus scientifique”

Le Veklury, marque commerciale du remdesivir, a reçu début juillet une autorisation conditionnelle de mise sur le marché européen pour les formes graves de Covid-19 et il bénéficie en France d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) de cohorte, une autre procédure permettant à certaines catégories de malades d’utiliser des médicaments pas encore mis sur le marché.

Les études publiées montrent qu’il pourrait réduire la durée d’hospitalisation des patients, mais qu’il a peu ou pas d’effet sur la mortalité.

L’ANSM publie également une lettre de huit pages envoyée au microbiologiste marseillais, en réponse à sa demande.

Elle y retrace l’historique des utilisations et des essais dans le monde de ce médicament que le directeur de l’IHU de Marseille défend bec et ongles pour traiter le Covid-19, soulignant qu’elles n’ont pas démontré son efficacité.

“En conclusion, lorsque l’on fait un point de situation des études publiées […] depuis le rapport du Haut conseil de la santé publique (HCSP) du 23 juillet, il n’est pas identifié de données de nature à remettre en question les conclusions de ce rapport, non en faveur de l’utilisation de l’hydroxychloroquine seule ou en association avec l’azithromycine (un antibiotique, NDLR), en traitement ou en prévention”, écrit le gendarme du médicament.

L’ANSM évoque aussi “les recommandations thérapeutiques internationales traduisant un consensus scientifique” allant dans le même sens.

Elle relève par ailleurs que dans son courrier de demande d’élaboration d’une recommandation temporaire d’utilisation, daté du 3 août, le Pr Raoult cite l’hydroxychloroquine “sans préciser les modalités envisagées de son utilisation (en termes de population cible, de schéma d’administration, de potentielle association avec l’azithromycine)” et qu’il a par ailleurs “adressé par mail des publications dont toutes ne sont pas validées par un comité de lecture de revue”.

L’agence sanitaire précise que “cette position pourra être révisée”, si on lui apportait de nouvelles études cliniques probantes. 

Cette décision peut faire l’objet d’un recours en annulation devant le Conseil d’État dans un délai de deux mois à compter de réception.

Les ventes de Plaquenil avaient explosé en mars-début avril, avant de baisser radicalement. Sa prescription hors AMM avait été interdite en ville et réservée uniquement à l’hôpital, surtout pour les essais cliniques. Depuis, cette interdiction a été levée. Sa consommation est aujourd’hui à peu près équivalente, en ville et à l’hôpital, à celle de l’année précédente, hors Covid.

Konbini news avec AFP