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Féminicides : le bracelet anti-rapprochement voté à l’unanimité par l’Assemblée

Féminicides : le bracelet anti-rapprochement voté à l’unanimité par l’Assemblée

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Par Astrid Van Laer

Publié le

Ce dispositif permet de géolocaliser et maintenir à distance les conjoints et ex-conjoints violents.

Le France s’apprête à rejoindre l’Espagne sur le banc des pays ayant mis en place le bracelet anti-rapprochement pour les conjoints violents : les députés unanimes ont soutenu jeudi cette mesure portée par Les Républicains (LR), qui a pris de vitesse la majorité en plein Grenelle des violences conjugales.

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La proposition de loi d’Aurélien Pradié “me paraît essentielle, elle recueille le plein soutien du gouvernement”, a indiqué la ministre de la Justice Nicole Belloubet en ouverture dans l’hémicycle jeudi. “Il nous faut impérativement stopper cette spirale dramatique [des féminicides]”, a rappelé la ministre.

Les députés débattaient encore dans la soirée d’une poignée d’amendements, alors que l’ensemble du texte sera soumis à un scrutin public mardi, avant d’être transmis au Sénat en procédure accélérée.

Le bracelet anti-rapprochement (BAR) permet de géolocaliser et maintenir à distance les conjoints et ex-conjoints violents par le déclenchement d’un signal, avec un périmètre d’éloignement fixé par un juge. Il existe dans plusieurs pays européens, notamment en Espagne depuis dix ans, où les féminicides ont baissé de manière significative.

Le Parlement français avait déjà voté à plusieurs reprises le principe d’expérimentations de ce dispositif, sans jamais les mettre en œuvre. Cette fois, le bracelet doit être autorisé aussi bien au pénal qu’au civil, avec la nécessité d’obtenir le consentement des deux conjoints, dont l’auteur des violences, pour éviter tout risque d’inconstitutionnalité.

Au pénal, le conjoint ou ex-conjoint violent aura intérêt à l’accepter pour éviter la détention préventive ou bénéficier d’un aménagement de peine s’il est déjà condamné. Au civil, en cas de refus du bracelet, le juge aux affaires familiales (JAF) pourra en aviser immédiatement le procureur de la République.

“Décompte glaçant”

La séance avait commencé avec gravité au Palais Bourbon. “Une, deux, trois…” jusqu’à 117 : Aurélien Pradié a égrené durant deux minutes le nombre de femmes tuées par leurs conjoints ou leurs ex depuis le début de l’année 2019.

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“Je sais ce que ce décompte peut avoir de glaçant mais il devait résonner ici dans cette Assemblée pour ne pas nous habituer“, a souligné l’élu du Lot. 121 féminicides ont eu lieu sur l’ensemble de l’année 2018, selon le ministère de l’Intérieur.

L’ensemble des groupes ont assuré qu’ils allaient voter mardi le texte de Pradié, à “condition de donner des moyens suffisants à la justice”, a martelé le communiste Stéphane Peu.

Côté LREM, Guillaume Vuilletet planchait sur une proposition de même nature, mais “ça n’a pas d’importance, nous voulons agir de façon urgente et consensuelle”, a-t-il expliqué.

À la tribune, la comédienne Éva Darlan assistait aux débats. C’est une des figures “remarquables” du féminisme et de la lutte contre les violences conjugales, a salué Clémentine Autain (LFI), sous les applaudissements de l’hémicycle.

L’absence de Marlène Schiappa jugée “indéfendable”

Le texte, dont la plupart des articles ont été adoptés par une série de votes unanimes, prévoit en outre de donner une limite de six jours au juge aux Affaires familiales (JAF) saisi d’une ordonnance de protection pour mettre à l’abri une personne violentée. Il vise aussi à élargir et généraliser l’utilisation des téléphones grave danger. Ces appareils, munis d’une unique touche pour appeler en urgence les secours, sont encore sous-utilisés.

Pour cette loi, Aurélien Pradié a habilement profité de la “niche” LR, journée réservée à un groupe politique pour présenter des textes. Il a devancé la majorité en plein Grenelle des violences conjugales, suscitant un certain embarras chez les “marcheurs”, alors que les groupes de travail du Grenelle doivent rendre leurs propositions le 28 octobre.

Comme prévu, la secrétaire d’État à l’Égalité femmes hommes n’était pas présente dans l’hémicycle. “Où est-elle ? Je m’en inquiète”, a lancé  Clémentine Autain, critiquant le “féminisme de communication” de Marlène Schiappa. “Son absence est indéfendable”, a abondé Fabien Di Filippo (LR).

Marlène Schiappa “joue un rôle d’acteur majeur sur une politique éminemment interministérielle” et “si elle n’est pas présente, c’est parce que l’ensemble des dispositions relèvent exclusivement de la Chancellerie”, a rétorqué Nicole Belloubet.

Lors d’un déplacement mercredi à Berck-sur-Mer, Marlène Schiappa a d’ailleurs évoqué le budget prévu pour la mise en place du bracelet : 5,6 millions d’euros au départ, puis 1,8 million chaque année pour son fonctionnement.

Konbini news avec AFP