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Crack : nouveau bras de fer entre la mairie et la préfecture autour des consommateurs à Paris

Crack : nouveau bras de fer entre la mairie et la préfecture autour des consommateurs à Paris

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GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

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Par Pauline Ferrari

Publié le

Les élus s'opposent à leur déplacement dans le 12e arrondissement, le troisième en moins d'un an.

La mairie de Paris et la préfecture de police s’opposent de nouveau au sujet sensible, des consommateurs de crack dans la capitale, le chef des forces de l’ordre ayant décidé de les déplacer hors du nord-est de la capitale, leur zone historique de regroupement.

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Dans un communiqué diffusé mardi soir, la préfecture de police a précisé avoir, sur demande du ministre de l’Intérieur, repéré un lieu appartenant à la SNCF dans le 12e arrondissement afin d’y installer les 150 à 200 consommateurs de crack, regroupés depuis fin septembre porte de La Villette, dans le 19e, dans un square en lisière de la Seine-Saint-Denis.  

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Selon la préfecture, la SNCF a “donné son accord” à l’État pour “le prêt et la mise à disposition” d’une de ses parcelles située “à l’intersection de deux faisceaux ferroviaires et du boulevard Poniatowski”, vers laquelle “les usagers de crack pourront être orientés après la réalisation de travaux de pose d’une clôture sécurisée”. La maire (EELV) du 12e arrondissement, Emmanuelle Pierre-Marie, s’est dite “bouleversée” et “particulièrement blessée” par ce “transfert forcé” et cette “pose de grille ou grillage sur un site qui a une autre ambition”.

C’est dans cette friche industrielle que doit surgir, d’ici quelques années, le projet urbain Bercy-Charenton, un nouveau quartier composé de logements, de bureaux, de commerces, et d’espaces verts. Pour le préfet, ce site satisfait “le mieux possible” aux critères de recherche : “le plus possible éloigné des quartiers résidentiels, commerçants ou des nœuds de transport” mais tout de même “accessible aux services sanitaires et sociaux”.

“Il est faux de dire que nous sommes sur des espaces à l’écart d’habitations”, critère mis en avant par le préfet pour le choix du site, a insisté le maire de la commune voisine de Charenton-le-Pont, Hervé Gicquel (LR), présent aux côtés des élus parisiens.

Les élus ne décolèrent pas 

Mais pour Emmanuel Grégoire, premier adjoint (PS) de la maire Anne Hidalgo, le choix de cette zone d’aménagement concerté est une “absurdité absolue” et une “décision solitaire prise sans concertation aucune”.  Il a indiqué à l’AFP l’intention de la Ville de “faire obstacle à cette stratégie dans les heures qui viennent” et demande une réunion en urgence avec les autres partenaires du plan crack, la préfecture d’Île-de-France et l’Agence régionale de santé.

La décision du préfet de police de Paris de déplacer les consommateurs de crack de la porte de La Villette à celle de Charenton  fait “l’unanimité” contre elle parmi les élus, ont fait savoir les mairies de Paris, d’arrondissement et de Charenton mercredi.

M. Grégoire, lui-même élu du 12e arrondissement, dénonce un “simple déplacement du problème” et le choix d’un site “absurde de l’avis des professionnels comme des associations”. L’adjointe à la santé, Anne Souyris (EELV), s’est dite “sidérée” par cette décision. “On les met dans un autre terrain vague et tout ça de force, sans mise à l’abri, sans perspective”, déplore-t-elle.

Dans un courrier adressé lundi au préfet, Anne Hidalgo avait réaffirmé son “opposition claire et ferme” à un nouveau déplacement organisé des consommateurs de ce dérivé bon marché et très addictif de la cocaïne. Ce déplacement serait le troisième en neuf mois. “Les usagers de drogue ont besoin d’une prise en charge globale, sociale et sanitaire à laquelle la succession d’opérations de police ne répond aucunement”, a-t-elle martelé. 

“Déplacer les usagers de drogue ne permet pas de résoudre définitivement la problématique du crack, mais c’est un devoir vis-à-vis des riverains du 19e et du 18e qui ont trop longtemps été éprouvés par la présence des usagers de drogue”, explique M. Lallement, préfet de police de Paris. 

“Déplacer le problème ne saurait le résoudre”, a réagi sur Twitter la députée LREM de la circonscription, Laetitia Avia, qui a dit qu’elle s’entretiendrait mercredi après-midi avec préfet pour lui demander de suspendre son projet et d’organiser une concertation afin de trouver “des solutions pérennes”.

25 millions d’euros pour le plan anti-crack

Fin septembre, malgré le désaccord de la mairie, déjà, le préfet avait décidé de délocaliser des toxicomanes des jardins d’Éole, où ils étaient regroupés depuis le printemps, pour soulager le quartier voisin de Stalingrad, vers la porte de la Villette. 

Lundi matin porte de la Villette, sur ordre de la préfecture, des pelleteuses ont détruit les abris en dur fréquentés par 150 à 200 toxicomanes. Le soir, une centaine de riverains ont manifesté pour demander qu’une solution pérenne soit trouvée pour mettre à l’abri ces toxicomanes.

Entre 2019 et 2022, la Ville et l’État ont mobilisé pour leur plan anti-crack 25 millions d’euros au lieu des neuf millions initialement prévus. Cet argent a principalement permis d’héberger 450 toxicomanes, sans apporter de solution pérenne à leur errance dans les rues du nord-est de la capitale.

Mi-septembre, la situation semblait s’être débloquée avec la lettre du Premier ministre Jean Castex annonçant le soutien du gouvernement à la création de nouveaux lieux “d’accueil et de repos”, solution prônée par Mme Hidalgo. 

Mais, devant la mobilisation des riverains, la mairie actait au même moment l’abandon d’un projet de ce type situé près d’une école, rue Pelleport dans le 20e. Aucun proposition n’a émergé depuis.

Problématique à la fois sanitaire et sécuritaire, la présence dans la rue de consommateurs de crack est source de tensions ces derniers mois entre les élus locaux et l’État.

Konbini news avec AFP