Covid-19 : que valent les tests sérologiques pour connaître son immunité contre le virus ?

Covid-19 : que valent les tests sérologiques pour connaître son immunité contre le virus ?

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© SEBASTIEN BOZON / AFP

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Par Hugo Coignard

Publié le

Tester la présence d'anticorps pour savoir si on est protégé du coronavirus, une bonne idée ? Pas si vite...

Sans rendez-vous et sans ordonnance, il est possible d’effectuer un test sérologique dans un laboratoire privé pour tenter de savoir si l’on a eu le Covid-19. Mais ce test est-il fiable ?

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À quoi servent ces tests ?

Les tests sérologiques prennent la forme d’une prise de sang. Dans le sérum du patient, des anticorps spécifiques, dirigés contre le Covid-19, sont recherchés. À la différence des tests PCR, effectués dans le nez, on ne recherche pas la présence du coronavirus, mais d’anticorps qui se sont développés les jours suivants la contamination. Ce test ne permet donc pas de savoir si l’on est toujours contagieux.

Si le test sérologique est positif, vous avez été en contact avec le virus. Mais s’il est négatif, vous pouvez quand même avoir contracté le Covid-19. Le meilleur exemple dont je peux vous parler, c’est le mien“, explique Sandrine Nail-Billaud, immunologue et maître de conférences à l’Université d’Angers. “Je suis négative à ce test. Je n’ai pas d’anticorps. Et pourtant, j’ai été malade, avec des signes caractéristiques du Covid-19.”

On pourrait donc avoir eu le Covid-19 sans s’être créé une immunité contre le virus. “On se rend compte aussi que chez ceux qui ont eu des symptômes légers de la maladie, souvent, il n’y a pas d’anticorps détectés avec les tests actuels“, ajoute l’immunologue.

Immunisé mais pas protégé ?

Mais si le test est positif, que l’on a eu le Covid-19, est-on alors immunisé ? “Oui“, répond l’immunologue au CHU d’Angers. “Maintenant, est-ce qu’on est protégé contre une réinfection ? On ne sait pas“, admet-elle. “Immunisé” et “protégé” ne sont pas synonymes.

Aux patients testés positifs, “on ne peut pas leur dire ‘vous avez des anticorps : vous êtes protégés pendant 3 mois’ parce qu’on ne sait rien du tout de la durée de protection. On ne sait même pas si les anticorps nous protègent d’ailleurs en plus. On sait que certains sont neutralisants, mais ils ne sont pas présents chez tous. C’est ça le problème“, explique Sandrine Nail-Billaud.

Bref, il est encore trop tôt pour connaître l’immunité du coronavirus. “Même si on prend des patients en Chine, on n’a pas de retour encore sur la durée d’immunité“, ajoute-t-elle.

Le test est-il utile ?

Ah, ça, c’est à vous de juger ! Je ne peux rien vous conseiller“, nous indique-t-on dans un laboratoire privé strasbourgeois, qui assure voir passer beaucoup de monde en ce moment pour des tests sérologiques.

Au bout du téléphone, la secrétaire d’un laboratoire parisien finit par nous dire : “si vous n’avez pas d’ordonnance, autant attendre peut-être un peu. Je pense d’ici un mois, quand ça sera remboursé“, avant d’ajouter : “après, si vous voulez vous tranquilliser, vous pouvez venir aussi…

Deux autres laboratoires nous ont conseillé de nous rapprocher de notre médecin. À chaque fois, on nous précise le prix du test : entre 30 et 50 euros en moyenne. Il n’est pas remboursé par la Sécurité sociale, car pas validé par les autorités de santé pour le moment.

Pas de “passeport d’immunité

Pour quelqu’un qui n’a pas eu de symptômes, le test sérologique n’a aujourd’hui “aucun intérêt“, tranche Sandrine Nail-Billaud. La Haute Autorité de Santé (HAS) juge également “pour l’instant non pertinent” de dépister toute la population avec ces tests, dans un communiqué du 2 mai.

Pourquoi ? La HAS craint que les patients testés positifs relâchent les mesures barrières et la distanciation physique en se croyant protégés contre le virus. L’institution demande à rester prudent dans l’utilisation des tests sérologiques qui “ne peuvent aujourd’hui pas permettre d’établir un passeport d’immunité”.

Si la HAS ne conseille pas ce test pour le grand public, elle le recommande dans sept cas très précis, et n’exclut pas d’élargir ses recommandations de dépistage lorsque les données scientifiques seront plus fiables.

Le gouvernement indique que ces tests actuels donnent aussi trop de résultats faussement positifs et négatifs. Un temps envisagés dans le plan de déconfinement, pour le Ministère de la santé, les tests sérologiques restent pour le moment “en phase de validation“.