Covid-19 : comment nettoyer son masque quand on n’a pas de machine à laver ?

Covid-19 : comment nettoyer son masque quand on n’a pas de machine à laver ?

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Par Lila Blumberg

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Lavage à la main ? Fer à repasser ? Eau bouillante ?

Les recommandations pour laver les masques grand public réutilisables sont claires, mais pas réalisables pour tout le monde. “Le lavage doit être effectué en machine, avec une lessive adaptée au tissu, dont le cycle comprendra au minimum un plateau de 30 minutes à 60 °C.” Oui, mais comment on fait quand on n’a pas de machine à laver ?

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“Le masque doit ensuite être séché dans son intégralité, au sèche-linge, au sèche-cheveux ou à l’air libre, sur un support propre et désinfecté, puis repassé à la vapeur à la température indiquée par le fabricant (de 120 °C à 130 °C environ).”

“Puis repassé” ? Est-ce à dire qu’il faut laver, sécher et repasser ? On a posé nos questions à Bruno Grandbastien, médecin hygiéniste et président de la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H), à Benjamin Davido, médecin infectiologue à l’hôpital Raymond-Poincaré (Garches) et à Benjamin Rossi, médecin infectiologue au centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger (Aulnay-sous-Bois).

Pourquoi est-ce important de (bien) laver son masque ?

Médecin hygiéniste, Bruno Grandbastien fait de la médecine préventive et travaille avec les équipes médicales et soignantes pour mettre en place toutes les mesures de prévention des infections – mesures barrières, hygiène des mains… Il explique qu’il y a trois aspects dans le lavage : l’effet mécanique (frotter ou faire tourner dans le tambour d’une machine à laver), l’effet chimique (produit lessiviel qui va décrocher les microbes) et l’effet thermique (température qui va détruire les micro-organismes).

La seule technique de lavage qui offre la combinaison de ces trois effets est, bien évidemment, la machine à laver : un cycle de 30 minutes à 60 °C avec de la lessive permettrait donc de détruire le Covid-19.

Le médecin explique qu’il faut impérativement passer par une étape de lavage, puisqu’en portant le masque, on va le contaminer avec des microbes, des bactéries et/ou des virus autres que le SARS-CoV-2.

Alors, peut-on nettoyer un masque en le lavant à la main ?

Le docteur Grandbastien explique que l’on peut effectuer un lavage à la main avec un produit adapté et un rinçage intense, avant de plonger le masque dans de l’eau très chaude. Il précise néanmoins que ce lavage “mieux que rien” ne sera pas aussi efficace que le lavage en machine.

Le docteur Davido précise qu’avec le lavage à la main, on ne peut pas utiliser de très hautes températures et que l’action mécanique, comme lorsque l’on se frotte les mains, est très difficile à réaliser sur l’ensemble de la surface du tissu.

Le docteur Rossi explique, quant à lui, que certains médecins hygiénistes, notamment aux États-Unis, ont proposé le lavage à la main avec du savon et de l’eau chaude comme une alternative, mais il met en garde contre les risques de brûlure des mains et des risques de détérioration du masque.

Le repassage du masque permet-il de le nettoyer ?

Pour Benjamin Davido, la méthode du fer à repasser serait “la seule alternative”, grâce à l’action cumulée de la température et de la vapeur. “Il faut repasser dans un sens, puis dans l’autre. La température de la vapeur est extrêmement élevée, ça tue les virus, les parasites et les bactéries. À l’hôpital, c’est aussi pour ça qu’on repasse les tenues des soignants à la lingerie centrale de l’AP-HP.”

Le médecin hygiéniste Grandbastien recommande cette technique, à condition qu’elle soit précédée d’un lavage quel qu’il soit. La technique du repassage permettra de se débarrasser du virus via l’effet thermique. “Le repassage n’est pas une mesure qui, à elle seule, suffit”, confirme le docteur Rossi.

Aussi, les trois médecins mettent en garde : un simple repassage rapide ne sera pas suffisant. Il faut insister, passer plusieurs fois sur les deux faces du masque et ce, pendant plusieurs minutes. Ils insistent également sur la nécessité d’un séchage rigoureux du masque, car s’il n’est pas bien sec, il sera poreux et donc moins efficace. La technique du repassage présente également un risque de brûlure et de fragilisation du masque.

Enfin, selon les docteurs Rossi et Grandbastien, le port d’un autre masque pendant le nettoyage au fer à repasser n’est pas indispensable, car il n’y aurait que très peu de risques d’avoir du virus dans la vapeur d’eau. Pour le docteur Davido, il serait préférable d’en porter un.

Est-ce que placer le masque au-dessus d’une casserole d’eau bouillante est une technique efficace ?

Les trois médecins sont unanimes : cette méthode n’est pas une bonne solution. En plus de présenter des risques de brûlure à la vapeur, elle ne permettra pas un nettoyage fiable et uniforme.

Le docteur Grandbastien explique en effet qu’il sera assez difficile d’obtenir un résultat fiable, malgré l’utilisation de la vapeur, car si l’eau est à 90 °C, la température de la vapeur sera forcément moins élevée et il sera impossible de connaître sa température réelle et donc son efficacité. De plus, cette technique ne permettrait de traiter qu’une seule face du masque et sûrement pas en profondeur. “L’idée de ne faire que ce traitement me semble trop fragile”, affirme-t-il.

Peut-on utiliser de l’eau de Javel ou des sprays désinfectants ?

L’utilisation de produits toxiques est à éviter. Mal rincés, ils pourraient être dangereux pour la peau, mais aussi en raison des inhalations toxiques dont souffrirait une personne qui respirerait plusieurs heures à travers le masque.

“L’eau de Javel est efficace pour détruire le virus, mais aussi pour détruire les élastiques”, complète le docteur Grandbastien, qui déconseille également l’utilisation des produits désinfectants à pulvérisation qui “éliminent 99 % des bactéries”.

Enfermer le masque dans un sac, ça sert à quelque chose ?

“Cette méthode ne nettoie pas, mais on peut être à peu près serein en se disant que 3 ou 4 jours après, il n’y aura plus de virus viable sur le masque. On a des données expérimentales sur la durée de survie du virus et sur des surfaces inertes, il serait présent 3 jours. Néanmoins, le tissu a d’autres caractéristiques et ainsi, si l’on tousse ou si l’on éternue dans le masque, des matières organiques pourraient subsister”, explique le médecin hygiéniste.

Le docteur Rossi précise que si cette technique peut “en partie améliorer les choses, elle n’est pas fiable à 100 %” et rappelle que les masques en tissu, eux-mêmes, ne sont pas fiables à 100 %. Il s’agit d’une mesure barrière parmi d’autres qu’il ne faut pas négliger.

Alors docteurs, comment faire de notre mieux sans culpabiliser ni psychoter ?

“Ce que l’on sait, c’est qu’à une température de 60 °C, on éradique le virus et que les détergents et les savons permettent de l’éliminer. Le reste, c’est du bon sens”, précise le docteur Rossi. Les meilleures méthodes sont donc celles qui nous permettent de le nettoyer sans le détériorer ni s’intoxiquer.

L’idée, c’est de faire de son mieux, en gardant à l’esprit que de toute façon, le masque n’est pas une protection fiable à 100 %. Donc si on peut, on le lave à la machine, sinon à la main. On le sèche bien avant de le repasser et surtout, on continue à appliquer les autres gestes barrières !

Précisons que le seul port du masque ne suffit pas à se protéger et à protéger les autres. “Le premier rempart contre la circulation du coronavirus est la distanciation sociale, car finalement, ce sont par les gouttelettes des personnes en face de nous que l’on peut être contaminé”, rappelle le docteur Grandbastien, avant de préciser : “Ensuite, il y a l’hygiène des mains avec de l’eau et du savon ou du gel hydroalcoolique, puisque l’on peut toucher des objets contaminés et enfin, le troisième rempart est le masque.”

Le médecin hygiéniste explique que si l’on a rendu des places inaccessibles dans les transports en commun, c’est bien la preuve que le masque n’est pas la solution à tout.

Tous trois rappellent que l’utilisation de gants n’est vraiment pas une bonne idée, car on pense être protégé, or ils nous empêchent de réaliser l’un des gestes barrières les plus efficaces, à savoir le lavage des mains. D’ailleurs, ils recommandent de se laver les mains dès que l’on manipule notre masque. Bruno Grandbastien suggère également de glisser le masque dans une enveloppe, par exemple, pour ne pas contaminer sa poche.

Le danger est de porter du virus sur ses mains et de se contaminer par les yeux ou le nez. Or, selon une étude mentionnée par les médecins interrogés, on se toucherait le visage 60 fois par heure en moyenne, soit une fois par minute ! C’est un réflexe difficilement maîtrisable, mais on peut essayer d’y penser.

Pour les personnes en situation de précarité et/ou sans-abri, les accueils de jour proposent, dans la grande majorité des cas, soit l’accès à un service de laverie sur place, soit des jetons pour accéder à des laveries automatiques partenaires. C’est le cas notamment des accueils de jour du réseau d’Emmaüs Solidarité ou encore de la Fondation Abbé Pierre. Par exemple, à la Boutique Solidarité de Mantes La Jolie, les personnes qui en ont besoin reçoivent un masque en tissu chaque jour et rapportent celui de la veille pour qu’il soit lavé à la machine.