Emmanuel Macron : mais que pense-t-il du cannabis ?

Emmanuel Macron : mais que pense-t-il du cannabis ?

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© Thomas SAMSON / AFP

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Par Lila Blumberg

Publié le , modifié le

Spoiler : ça dépend des jours.

Parmi les candidats au premier tour de la présidentielle, il existait un consensus à gauche sur la dépénalisation voire la légalisation du cannabis en France, et une tendance inverse à droite. En revanche, la position du président-candidat, Emmanuel Macron, est plus difficile à suivre. Parfois pour, parfois contre, parfois mutique sur le sujet… Énième démonstration du “en même temps” ? Du “ni de gauche ni de droite” ?

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Un ex-ministre de l’Économie, fraîchement président de LREM, pas contre la légalisation

Au micro de France Inter, en septembre 2016, la position d’Emmanuel Macron sur la légalisation du cannabis semblait plutôt claire : pas contre, il lui trouvait même des intérêts.

“Aujourd’hui, le cannabis pose un problème de sécurité, de lien avec la délinquance dans des quartiers difficiles, de financement de réseaux occultes. On voit bien que la légalisation du cannabis a des intérêts de ce point de vue. Et a une forme d’efficacité. […] Quand on regarde d’ailleurs l’incapacité qu’ont les magistrats à régler le problème d’un point de vue pénal, on voit que nous sommes dans un système très hypocrite […]. Donc je ne suis pas contre [la légalisation], si cette réponse provisoire peut être la mienne aujourd’hui.”

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Un candidat à la présidentielle pour la dépénalisation… puis contre

Dans son livre Révolution, sorti le 24 novembre 2016, le candidat Macron se positionnait en faveur d’une “dépénalisation de la détention en petite quantité du cannabis afin de désengorger les tribunaux”. Il invitait à “écouter les professionnels” pour lesquels il est “vain de pénaliser systématiquement la consommation de cannabis”.

Mais, en février 2017, dans une interview accordée au Figaro, le candidat Macron a opéré un virage à droite. À la question “Vous n’êtes donc pas pour une dépénalisation du cannabis ?”, il répondait : “Non ! Je ne crois pas à la dépénalisation des ‘petites doses’ ni aux peines symboliques. Cela ne règle rien.”

Volant à sa rescousse quelques jours plus tard, Gérard Collomb, alors soutien du futur président, s’expliquait au micro de RTL : “Je suis retourné voir le livre Révolution. Il n’a jamais dit qu’il était pour la légalisation du cannabis.” Ah ça, nous sommes bien d’accord, Gérard… “Il disait qu’il était pour les petites amendes immédiates […]. Il a une vision très claire de la façon dont on peut lutter contre la petite délinquance.” Très claire…

Benjamin Grivaux, alors porte-parole de Macron, a lui aussi tenté d’éclaircir la position du candidat en répondant à Libération : “En fait, il ne croit pas à la légalisation. C’est ça, son propos.”

Conclusion : Collomb et Grivaux étaient d’accord sur ce que pensait Macron (super) et, à travers leurs interventions, ils ont entériné son changement de position sur la dépénalisation.

Un président qui met à l’amende (forfaitaire) les consommateurs…

Après le vote du dispositif par l’Assemblée nationale en 2018, et après une expérimentation dans plusieurs villes de France, l’amende forfaitaire de 200 euros pour usage de stupéfiants est entrée en vigueur sur tout le territoire français en septembre 2020.

Concrètement, les consommateurs de cannabis doivent systématiquement payer une amende lorsque l’infraction est constatée (un “quoiqu’il en coûte” inversé). Si l’un des arguments était de désengorger les tribunaux, la possibilité laissée aux forces de l’ordre d’engager des poursuites pénales ne va clairement pas dans le sens d’une dépénalisation.

Première déclaration de guerre de la Macronie à la drogue et aux consommateurs de cannabis ? En tout cas, pas la dernière.

Mais qui autorise 3 000 patients à utiliser le cannabis à des fins thérapeutiques

Annoncée par Olivier Véran le 26 mars 2021, une expérimentation sur le cannabis “médical” est mise en œuvre par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) pour une durée de deux ans. Cinq indications thérapeutiques ont été retenues pour cette expérimentation, dont notamment des douleurs neuropathiques, certaines formes d’épilepsie sévère et certains symptômes “rebelles” liés au cancer ou à ses traitements.

Cette avancée est non négligeable puisque, comme le précise Nicolas Authier, psychiatre et pharmacologue au CHU de Clermont-Ferrand : “La médecine ne doit pas nuire. Et ne rien faire contre des maux chroniques qu’on pourrait parfois soulager, c’est nuire.”

Plus récemment, en février 2022, un comité scientifique créé par l’ANSM a lancé des travaux, pour une durée de quatre mois, en vue de la création d’une filière française de culture de cannabis thérapeutique. Pour l’instant, les traitements à base de cannabis sont importés. De là à voir cette expérimentation comme une avancée vers une dépénalisation du cannabis, ça relèverait d’une hallucination (effet secondaire courant de la consommation de cannabis).

Un président en fin de mandat en guerre contre le cannabis (et ses consommateurs), mais “en même temps” pour un débat national

Avant même d’avoir terminé la “guerre” contre le coronavirus, Emmanuel Macron a déclaré dans une interview au Figaro, en avril 2021, qu’éradiquer les trafics de stupéfiants était “la mère des batailles”, rien que ça.

“Ces trafics forment la matrice économique de la violence dans notre pays. Les éradiquer par tous les moyens est devenu la mère des batailles, puisque la drogue innerve certains réseaux séparatistes mais aussi la délinquance du quotidien, y compris dans les petites villes épargnées jusqu’ici. Ne laisser aucun répit aux trafiquants de drogue, c’est faire reculer la délinquance partout.”

Dans cette même interview, le président affirmait qu’il fallait “lancer un grand débat national sur la consommation de drogue et ses effets délétères”. En marche vers une (r)évolution sur le sujet du cannabis ? Que nenni ! Ce projet semble être resté lettre morte et voilà qu’en septembre 2021, Emmanuel Macron a ciblé les consommateurs de drogue qui, selon lui, “sont des complices” des trafiquants.

Un président-candidat pas favorable à la légalisation du cannabis

Ce sont ses mots et, cette fois, ils sont clairs. Lors de la présentation de son programme, le 17 mars dernier, à la fin des questions posées par les journalistes, Emmanuel Macron l’a affirmé : “Je ne suis pas favorable à la légalisation du cannabis.”

Alors, à l’instar de ses atermoiements et pirouettes sur la question des retraites, le président-candidat reviendra-t-il sur ses positions ? Serait-ce un choix stratégique intéressant pour une “opération séduction” de l’électorat de gauche ? N’en déplaise à ses soutiens de droite, pour qui cannabis rime avec délinquance avec, en tête de chœur, Nicolas Sarkozy.

Plus que quelques jours (ou encore un quinquennat) pour savoir si le président Macron annoncera un jour, la fleur (de cannabis) au fusil, une légalisation en France.

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