Témoignage : anorexie, j’en suis guérie

Témoignage : anorexie, j’en suis guérie

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(c) Film To The Bone

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Par La Zep

Publié le

Plutôt mince, Lili a longtemps porté sur son corps un regard critique excessif. Perdre des kilos, encore et toujours. De la balance au lit d’hôpital, elle est tombée dans l’anorexie.

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45 kg. “T’es obèse”, “t’as grossi” ou “t’es un boudin”. Des blagues aux oreilles de certains, des mots qui m’ont détruite. J’avais 12 ans à peine quand ces simples moqueries m’ont fait vivre l’enfer. J’ignorais alors que mon pire juge faisait face à mon miroir.

Kilos en trop ou peau sur les os ? Je ne savais plus quoi en penser… Je voulais être épanouie et bien dans ma peau, comme les mannequins des magazines.

42 kg. Je me racontais des histoires, comme ces prétendus bourrelets que j’imaginais dans mon reflet… Je n’avais plus d’appétit. Je l’avais remplacé par l’insomnie. Je culpabilisais continuellement de mon apparence. Je ne me sentais mieux qu’en vomissant… Je me fichais de ma santé, mon poids était juste un chiffre que j’entraînais à la baisse. J’étais devenue spectatrice de ma propre vie.

39 kg. Chacun des kilos perdus avait le don de m’émerveiller autant qu’il me tuait. Mon esprit m’interdisait d’y penser. Plus rien n’avait d’importance, je ne contrôlais plus que mon apparence, je n’avais plus que cela en tête.

25 minutes pour manger une demi-pomme

Une routine s’était installée dans ma vie.

6 h : Levée, pesée, mensuration, tour de taille, de cuisses, de bras, de mollets. Et chaque fois, mon humeur dépendait des chiffres que je lisais.

6 h 45 : Après avoir ausculté chaque partie de mon corps, je prenais mon premier repas de la journée. Un litre et demi d’eau pour me remplir, accompagné d’une demie pomme verte si mon poids me le permettait. Il me fallait 25 minutes pour manger une demi-pomme.

7 h 10 : Venait ensuite l’heure de s’habiller. Je choisissais comme d’habitude les vêtements les plus amples possible, histoire de cacher toute cette graisse qui m’obsède… L’étape du maquillage me permettait de cacher mes blessures et mon chagrin.

7 h 25 : Je prenais la direction des cours. Évidemment, hors de question de prendre le bus, je préférais faire 20 minutes de trajet à pied l’estomac vide.

12 h : Cantine… Je mentais à mes amis : “Je n’ai pas faim”, “je suis malade” ou “je suis allergique”. Ne pas toucher à son assiette. Boire quinze verres d’eau à la place.

16 h : La fin d’une journée de cours, horrible comme toujours. Je ne rentrais pas chez moi, j’allais faire un tour, je découvrais un nouveau coin tous les jours. Je marchais sans savoir où aller, les écouteurs dans les oreilles.

19 h : Le moment du repas en famille. Le pire. J’étais obligée de manger, mais je n’y arrivais plus, c’est au-dessus de mes forces. C’est plus fort que moi, j’ai perdu le contrôle.

20 h : Je m’écroulais, j’étais épuisée, mais je ne ratais pas pour autant ma séance de sport nocturne, en silence dans ma chambre, des centaines d’exercices toute la nuit.

“Squelette”, “sac d’os”, “anorexique” !

34 kilos. Une maladie que je n’avais jamais choisie était en train de me tuer à petit feu. Toujours mentir, faire plusieurs malaises par jour, avoir constamment froid, avoir le cœur qui s’emballe parce qu’on fait deux pas… Trembler, être faible au point de ne plus réussir à parler.

Je pesais 34 kilos pour 1 mètre 60… Ma mère me menaçait de m’emmener à l’hôpital si je ne mangeais pas. De mon point de vue, je n’étais pas malade, au contraire… Et puis un jour, de nouvelles insultes ont remplacé les anciennes : “Squelette”, “sac d’os”, “anorexique”.

Alors là, le déclic. J’ai décidé de guérir, pour ma famille, mes amies, mais surtout pour moi. Je voulais revivre, pouvoir enfin être la vraie moi et non pas celle que j’ai prétendu être pendant ces deux années de maladie.

J’ai finalement décidé de changer. Alors j’y suis allée, à l’hôpital. Je devais manger. Je suis restée enfermée plus d’un mois dans cette chambre. Mon poids faisait le yoyo. Je ne pouvais pas quitter cet endroit tant que mon poids n’était pas stable.

Les débuts ont été difficiles, jusqu’à ce qu’on me menace de me poser une sonde. Une véritable bataille a commencé pour ré-apprendre à manger. Prendre une bouchée de plus était une victoire et j’ai finalement gagné cette bataille. J’ai pu sortir de l’hôpital.

Depuis, j’ai compris qu’il ne faut jamais écouter les autres, toujours prêts à faire du mal. Cette période m’a fait comprendre que je devais vivre pour moi. Écouter mon corps pour être en bonne santé, c’est ce qu’il y a de plus important.

Lili, 15 ans, lycéenne, Dijon

Ce témoignage provient des ateliers d’écriture menés par la ZEP (la Zone d’Expression Prioritaire), un média d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans, qui témoignent de leur quotidien comme de toute l’actualité qui les concerne.