Retour sur la genèse d’un capharnaüm qui pourrait mener le pays vers une sortie de l’Union européenne.
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Le 4 mars dernier, les élections législatives italiennes ont vu la victoire d’une coalition formée par la droite et l’extrême droite, sans pour autant que ces dernières n’obtiennent la majorité. Cette coalition est menée par le parti de Silvio Berlusconi, Forza Italia, qui a formé une alliance avec la Ligue du Nord (parti souverainiste, anti-Union européenne et anti-immigration, emmené par Matteo Salvini), ainsi que Fratelli d’Italia (un parti qui se revendique néofasciste). Avec leurs suffrages cumulés, la coalition “Forza” avait obtenu 37 % des voix.
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— Matteo Salvini (@matteosalvinimi) 4 mars 2018
Juste derrière, le Mouvement 5 Étoiles (M5S), présidé par Luigi Di Maio, avait recueilli plus de 32 % des suffrages, sans alliance avec d’autres mouvances politiques. Celui qui se revendique “antisystème” proposait un programme en 20 points, comprenant notamment l’instauration d’un revenu universel mensuel et des mesures très restrictives en matière d’immigration.
À la suite de ce scrutin, le président italien, Sergio Mattarella, en poste depuis le 3 février 2015, devait trouver un Premier ministre pour former un nouveau gouvernement. Depuis 2016, Paolo Gentiloni du Parti démocrate occupait ce poste mais, après l’échec de son parti aux législatives, il a présenté sa démission au chef d’État, qui l’a acceptée en lui demandant toutefois d’assurer l’intérim jusqu’à la désignation d’un nouveau chef du gouvernement.
Le veto du président passe mal
Le 17 mai, Di Maio et Salvini se sont donc alliés malgré leurs divergences politiques et ont proposé le nom de Giuseppe Conte pour prendre la tête du gouvernement. Par la même occasion, ils ont présenté leur “contrat de gouvernement”. Giuseppe Conte, avocat débutant en politique, était ainsi supposé prendre les rênes du pays, surtout que sa nomination avait été acceptée le 23 mai par le président italien.
Ce qui posa problème, c’est le portefeuille stratégique de l’Économie et des finances. En effet, les deux leaders de la coalition avaient proposé un certain Paolo Savona pour en prendre la charge. Mais le chef de l’État italien, qui dispose d’un droit de veto, a refusé en raison de son caractère eurosceptique. En effet, Paolo Savona considère notamment l’euro comme une “prison allemande”. Comme le rapporte le JDD, Sergio Mattarella a donc déclaré à la presse :
“La désignation du ministre de l’Économie constitue toujours un message immédiat de confiance ou d’alarme pour les opérateurs économiques et financiers. […]
J’ai demandé pour ce ministère un représentant politique de la majorité cohérent avec l’accord de programme […] qui ne soit pas vu comme le soutien à une ligne qui pourrait provoquer la sortie inévitable de l’Italie de l’euro.”
Sergio Mattarella a ensuite proposé à Di Maio et Salvini de choisir un autre ministre, mais ces derniers ont refusé, arguant : “Disons-le clairement, qu’il est inutile d’aller voter.” Ils demandent désormais la destitution du président Mattarella.
Démission du Premier ministre
Le 27 mai, Giuseppe Conte, après seulement quatre jours au pouvoir, a renoncé à rester président du Conseil italien, après que le nom de Paolo Savona a été refusé par le chef d’État.
Pour le remplacer, le président italien a proposé Carlo Cottarelli. Cet économiste de 64 ans, surnommé “Monsieur Ciseau” et qui a fait un passage par le Fonds monétaire international (FMI) entre 2014 et 2017, est une icône de l’austérité budgétaire. Son profil contraste catégoriquement avec celui de Paolo Savona. Mattarella souhaite qu’il prenne la tête du gouvernement jusqu’à ce que de nouvelles élections aient lieu, au plus tard au début de l’année 2019.
Cottarelli, qui a accepté sa nomination, va proposer un programme au Parlement dans les prochains jours, qui devra voter s’il lui accorde la confiance nécessaire pour gouverner. Mais le Parlement étant majoritairement composé de députés du Mouvement 5 étoiles et de la Forza depuis les législatives de mars, il est très peu probable que les élus lui accordent leur confiance.
Les eurosceptiques français crient au scandale
En France, que ce soit au Front national, chez les Patriotes ou à Debout la France, on crie au “déni de démocratie” et à la confiscation du pouvoir du peuple après le refus de la nomination de Paolo Savona. Les chefs des mouvements les plus europhobes, comme Marine Le Pen ou Florian Philippot, ont tous réagi :
Coup de force inacceptable contre la démocratie en #Italie. En refusant de nommer M. #Savona pour saboter un gouvernement élu par le peuple, les chiens de garde du système bafouent le vote des Italiens ! Soutenons le choix démocratique des citoyens face à cette manipulation !
— N. Dupont-Aignan (@dupontaignan) 27 mai 2018
L'Union européenne et les marchés financiers confisquent à nouveau la démocratie. Ce qui se passe en Italie est un coup d’État, un braquage du peuple italien par des institutions illégitimes.
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) 28 mai 2018
Face à ce déni de démocratie, la colère des peuples grandit partout en Europe ! MLP
Coup d’Etat européen en #Italie : scandaleuses pressions contre un gouvernement élu par le peuple. L’UE ne cache plus son mépris pour la démocratie. Il est urgent de restaurer le principe fondamental des peuples à disposer d’eux même. Ce n’est pas à Bruxelles de décider pour eux!
— JeanFrédéric Poisson (@jfpoisson78) 28 mai 2018
Face au coup de force en Italie, rejoignez Les Patriotes ! ▶️ https://t.co/DeEj3dy3x8 pic.twitter.com/JCwFPuSSq3
— Florian Philippot (@f_philippot) 28 mai 2018
“L’Union Européenne est en train de se désagréger”
Lundi 28 mai, dans sa revue de presse hebdomadaire, Jean-Luc Mélenchon a donné son point de vue sur la situation politique italienne en évoquant une “vague dégagiste”. “Mais il n’y a pas eu comme en France quelque chose [comme] La France insoumise, [ce qui fait que] le terrain était complètement libre pour des démagogues”, analyse-t-il avant de pointer du doigt la nomination de Carlo Cottarelli :
“La charge de l’Union européenne sur l’Italie a été terrible. […] Et le président de la République italienne s’est aligné sur les diktats des Allemands.
Il ne prend pas le gouvernement en question, il dit qu’il y aura des élections et, en attendant, il nomme un gars qui est un ancien responsable du FMI.”
Dans le cas où de nouvelles élections devaient être organisées, Jean-Luc Mélenchon est sûr que les contestations vont “s’amplifier”. Il parle aussi de responsables politiques “vendus”, qui préfèrent suivre les “consignes” de l’Union européenne que la volonté de leur peuple.
Pour le député de la 4e circonscription des Bouches-du-Rhône, c’est un signe que l’Union européenne “est en train de se désagréger”. Et ce n’est pas Matteo Salvini qui le contredira. Comme le rapporte L’Obs, ce dernier a déclaré :
“Voter servira dix fois plus la prochaine fois. Ce sera un référendum : on gagne ou on meurt.”