Gina Haspel prend la tête de la CIA malgré son rôle dans des programmes de torture

Gina Haspel prend la tête de la CIA malgré son rôle dans des programmes de torture

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(c) Rockhead126 via Wikipedia

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Par Astrid Van Laer

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Le passé de Gina Haspel, qui a été à la tête d’une prison secrète de la CIA en Thaïlande où les détenus étaient fréquemment torturés, n’a pas suffi à l’empêcher de prendre la tête de l’agence de renseignement.

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“Félicitations à notre nouvelle directrice de la CIA, Gina Haspel !”

C’est officiel : à 61 ans, Gina Haspel va prendre la tête de la CIA. Le Sénat a confirmé sa nomination jeudi 17 mai, avec 54 voix en sa faveur sur les 99 possibles, grâce au ralliement de six élus de l’opposition démocrate. Le président américain Donald Trump l’a annoncé dans un tweet. Elle était jusqu’à présent directrice adjointe de l’agence de la CIA à Langley, dans l’État de Virginie.

Entrée à la CIA (Central Intelligence Agency) en 1985, elle y reste plus de trente ans et s’occupe des opérations clandestines. Mais il y a une ligne qui fait tache sur le CV de Gina Haspel : après le 11 septembre 2001, elle prend l’année suivante la direction d’une prison secrète de la CIA en Thaïlande, succédant à Mike Pompeo. Les personnes suspectées d’appartenir à Al-Qaida y étaient torturées.

Elles y subissaient des simulacres de noyade (“waterboarding”), une technique illégale selon le code militaire mais autorisée par le président George W. Bush après les attentats du 11 septembre. Ces techniques ont été définitivement bannies par son successeur Barack Obama.

Devant la commission sénatoriale du renseignement, chargée de valider sa candidature, Gina Haspel a promis que la CIA ne reprendrait pas ce programme d’interrogatoires, tout en estimant qu’il avait fourni “des informations de valeur” pour empêcher d’autres attentats. Elle avait également admis que “la torture ne marche pas”.

Gina Haspel est revenue sur son choix de rejoindre la CIA au milieu des années 1980 : “Je voulais vivre des aventures à l’étranger où je pourrais utiliser mon amour pour les langues étrangères. La CIA me l’a permis”, dit-elle à ce sujet. Elle part d’abord en Afrique, comme officier traitant. Ce poste “était tout droit sorti d’un roman d’espionnage. On ne pouvait pas rêver mieux”.

Elle assure avoir “excellé à trouver des informations confidentielles obtenues de la main à la main, dans des cachettes ou par des rencontres dans des rues sombres de capitales du tiers-monde”. Après avoir appris le russe et le turc, elle se retrouve en Russie et en Europe de l’Est dans les années 1990 puis devient chef de poste en Azerbaïdjan.

Un passé très controversé

Elle dirige la traque et l’arrestation de deux jihadistes présumés. Cette opération reste confidentielle mais les dates correspondent aux attentats contre les ambassades américaines en Tanzanie et au Kenya en 1998. Gina Haspel intègre ensuite le centre antiterroriste de l’Agence. Elle prend son poste le 11 septembre 2001, quand plusieurs attentats font près de 3 000 morts aux États-Unis.

La période qui suit, entre 2001 et 2005, ternit sa biographie et l’image de la CIA avec son programme d’enlèvement et de détention illégale. Elle supervise notamment les interrogatoires des Saoudiens Abd al-Rahim al-Nashiri (considéré comme le cerveau des attaques contre le pétrolier français Limburg en 2002 et le navire américain USS Cole en 2000) et Abou Zoubaydah, le premier membre influent présumé du réseau Al-Qaïda capturé par les Américains.

Nashiri était “l’un des individus les plus sévèrement traumatisés que j’ai jamais vus”, a affirmé jeudi au site d’informations en ligne The Intercept le médecin l’ayant examiné. Il est actuellement détenu à Guantanamo.

En 2008, Gina Haspel dirige les opérations de la CIA en Europe et devient directrice-adjointe des opérations clandestines mondiales en 2012. Mais son passé la rattrape l’année suivante quand des parlementaires bloquent sa promotion comme directrice, selon le New York Times.

Sa nomination a été dénoncée par des associations de défense des droits de l’homme. Pour HRW, c’est la conséquence “de l’échec des États-Unis à se confronter aux abus du passé”. Selon l’ACLU (American Civil Liberties Union), c’est une “tache sur notre histoire, que nous regretterons”. Et cette annonce inquiète d’autant plus que la position de Donald Trump sur la question de la torture est très ambigüe. Selon lui, la torture par noyade fonctionne “absolument” :

Konbini avec AFP.