“Écrivez partout !” : Mai 1968, c’était aussi le printemps des slogans

“Écrivez partout !” : Mai 1968, c’était aussi le printemps des slogans

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Manifestation des étudiants le 11 mai 1968, à Paris, France . (Photo by Jean-Pierre BONNOTTE/Gamma-Rapho via Getty Images)

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Par Clothilde Bru

Publié le

Le mouvement de Mai 1968 a débuté le 22 mars, au sein de la faculté de Nanterre. À cette occasion, petit retour sur ses slogans les plus marquants.

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“Il est interdit d’interdire”, “Sous les pavés la plage”, “Jouissez sans entraves” : provocateurs, drôles ou poétiques, les slogans qui ont fleuri sur les murs parisiens en mai 1968 ont contribué à forger le mythe de ce moment historique.

“On a pris la parole comme on a pris la Bastille en 1789”, analysait l’intellectuel Michel de Certeau dès juin 1968. “Écrivez partout”, lit-on sur les murs du centre universitaire Censier. Très tôt, les acteurs du mouvement ont conscience de la valeur de ces inscriptions. “Brûlons la Sorbonne. Mais avant sauvons les graffitis, c’est un trésor à ne pas perdre”, écrivent des étudiants dans un hall de la faculté au printemps 1968.

“Comment penser librement à l’ombre d’une chapelle ?”, peut-on lire dans la cour de la Sorbonne, près de la chapelle. Écrire sur les murs de Paris est à l’époque “très transgressif”, souligne l’historien Philippe Artières, directeur de recherches au CNRS. Les écrits dans l’espace public sont surveillés par la police. Les graffitis se tracent surtout à la craie ou à la peinture, parfois aussi à la bombe.

Les inscriptions les plus subversives viennent d’activistes proches de l’Internationale situationniste, organisation révolutionnaire créée en 1957, qui aspirait à “changer le monde”. “Il est interdit d’interdire”, porte leur patte.

Saisie par le photographe Henri Cartier-Bresson, l’inscription “Jouissez sans entraves” est aussi “très situationniste et hédoniste”, note Philippe Artières. Certaines inscriptions ont un petit parfum surréaliste : “La société est une fleur carnivore.” L’esprit anarchiste est perceptible dans certains graffitis, avec la devise “Ni dieu ni maître”, née à la fin du XIXe siècle, et ses déclinaisons.

“Déboutonnez votre cerveau aussi souvent que votre braguette !”

L’humour est également très présent. “Défense d’uriner dans les couloirs sous peine de confiscation du matériel !”, peut-on lire à l’Odéon. “Déboutonnez votre cerveau aussi souvent que votre braguette !”

Ces jeunes, qui n’ont “pas envie de perdre” leur vie “à la gagner” et contestent toutes les formes d’autorité, ont leurs bêtes noires. À commencer par le général de Gaulle qui fustige la “chienlit” de Mai 1968. Ils pourfendent aussi les communistes, rebaptisées “crapules staliniennes”.

Avec la police, qui réprime les manifestations étudiantes, c’est la détestation. Le slogan “CRS SS”, né pendant les grèves de 1948, reprend de la vigueur et une affiche de l’“atelier populaire de l’ex-école des Beaux-Arts” se charge d’amplifier sa diffusion.

Les inscriptions ne sont pas signées. Mais la naissance du célèbre “Sous les pavés, la plage” a été racontée par son coauteur Bernard Cousin. Un soir de mai au café, cet étudiant en médecine propose “il y a de l’herbe sous les pavés” à Bernard Fritsch (alias Killian), publicitaire proche des situationnistes, qui n’aime pas trop. Ils ont alors l’idée de la plage, en pensant à la couche de sable qui se trouve sous des pavés déterrés par les manifestants. Fritsch bombera ce graffiti une centaine de fois dans Paris.

Konbini news avec AFP