Une femme fait témoigner plusieurs de ses “personnalités” au procès de son violeur

Une femme fait témoigner plusieurs de ses “personnalités” au procès de son violeur

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Charles Harker

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Par Lila Blumberg

Publié le

"Je suis allée au tribunal, je me suis assise, j'ai prêté serment et quelques heures plus tard je suis retournée dans mon corps."

Jusqu’à ses 11 ans, Jeni Haynes a été torturée et violée par son père. En réaction à ces maltraitances, elle a développé un trouble dissociatif de la personnalité qui lui a permis de se créer 2 500 identités, selon la BBC. Ces personnalités, qui ont des capacités de perception différentes les unes des autres, peuvent prendre le contrôle du comportement du sujet à tour de rôle. Selon Jeni, ce sont ces identités multiples qui l’ont aidée à conserver les souvenirs de ses traumatismes et à les surmonter.

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Parmi elles, Symphony, Ricky, Volcan ou encore Judas : toutes ont été victimes des viols et attouchements de Richard Haynes. Symphony est la première personnalité que Jeni a développée. C’est une petite fille de 4 ans qui, au fil des années, a elle-même créé de nouvelles personnalités afin de supporter les abus et les traumatismes. Chaque nouvelle identité a eu un rôle bien particulier pour aider Jeni à supporter les différents éléments des abus dont elle a été victime (violence physique, vision ou odeur rappelant un traumatisme, etc.).

Lors de son entretien avec la BBC, Jeni a prévenu : il peut arriver que Symphony prenne la parole, et lorsque cela se produit, son interlocuteur peut entendre une voix plus jeune et plus haute que la sienne : “Bonjour, je m’appelle Symphony. Jeni est dans le pétrin, je viendrai vous raconter tout ça, si ça ne vous dérange pas.”

Jeni a déclaré à la BBC que Symphony “a souffert chaque minute de violence de la part de mon père et quand il a abusé de moi, sa fille Jeni, il abusait réellement de Symphony”. Enfant, Jeni n’a jamais pu bénéficier de soins médicaux. Malgré plusieurs interventions chirurgicales, elle doit supporter de graves lésions irréversibles à la vue, à la mâchoire, aux intestins, à l’anus et au coccyx.

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Selon Pam Stavropoulos, experte en traumatologie de l’enfance, le “trouble dissociatif de l’identité est une vraie stratégie de survie” :

“Il s’agit d’une stratégie d’adaptation très sophistiquée qui est largement considérée comme extrême. Mais vous devez vous rappeler que c’est la réponse aux abus et aux traumatismes extrêmes subis par l’enfant.”

Jeni, qui a désormais 49 ans, aura attendu 10 ans pour que l’avancée de l’enquête lui permette de faire témoigner plusieurs de ses identités. Il semblerait que ce soit la première fois en Australie et peut-être même dans le monde qu’une personne victime d’un trouble dissociatif de l’identité est autorisée à faire témoigner ses “états de personnalité”.

Le 6 septembre, Richard Haynes a plaidé coupable et a été condamné à 45 ans de prison par un tribunal australien. “Si vous avez des troubles dissociatifs de la personnalité à la suite d’abus, […] votre diagnostic n’est plus un obstacle à la justice”, a déclaré Jeni à la BBC.