Des bulles de savon pollinisatrices : une alternative aux abeilles en voie d’extinction ?

Des bulles de savon pollinisatrices : une alternative aux abeilles en voie d’extinction ?

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Armin Weigel/picture alliance via Getty Images

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Par Lila Blumberg

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Pendant ce temps, la France s’apprête à lever l’interdiction d'un pesticide très dangereux pour les abeilles...

Les abeilles font partie des insectes pollinisateurs dont le rôle de transport du pollen d’une fleur à une autre est essentiel pour la reproduction de ces plantes. Malheureusement, la population des abeilles, et plus globalement des insectes pollinisateurs, décline de jour en jour dans le monde entier. Des chercheurs ont récemment découvert que des bulles de savons pourraient bien résoudre les problèmes de pollinisation liés à leur disparition.

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Les bulles de savon : des agents artificiels de pollinisation prometteurs

Il existe déjà des alternatives à la pollinisation naturelle comme notamment la pollinisation manuelle et la pollinisation mécanique. Néanmoins, la première, qui existe depuis l’Antiquité, est pour le moins fastidieuse et chronophage. La seconde représente un coût de plus en plus important en raison de l’augmentation du prix des grains de pollen. 

Xi Yang et Eijiro Miyako, deux chercheurs du JAIST (Japan Advanced Institute of Science and Technology), ont publié l’étude “Soap Bubble Pollination” (“Pollinisation par bulles de savon“) en juin dernier. C’est la première étude qui explore les propriétés des bulles de savon et qui en fait un potentiel agent artificiel de pollinisation.

Dans le cadre de leur étude, les chercheurs ont découvert que les bulles de savon présentent des “propriétés biologiques et physico-chimiques” intéressantes et qu’elles permettent une pollinisation efficace des fleurs.

En effet, les caractéristiques des bulles de savon (“une membrane liquide stable et une grande surface“) en feraient des agents appropriés pour “diffuser des grains de pollen microscopiques légers pour la pollinisation“. Aussi, les chercheurs précisent qu’elles se dégradent facilement et que le faible coût des ingrédients “eco-friendly” des bulles constitue des avantages non négligeables de cette alternative. L’autre avantage majeur des bulles de savon est que grâce à leur légèreté et leur flexibilité, les fleurs ciblées ne sont pas fragilisées.

Concernant l’aspect écologique, les chercheurs reconnaissent toutefois que si les “tensioactifs utilisés dans cette étude sont biocompatibles, leur élimination dans l’environnement pourrait entraîner leur accumulation et ainsi une décomposition plus compliquée”. Ils assurent essayer d’utiliser “des tensioactifs plus écologiques et comestibles” pour leurs prochaines expérimentations.

Xi Yang et Eijiro Miyako ont utilisé un pistolet à bulles, émettant ainsi l’hypothèse selon laquelle “les microparticules de pollen sont expulsées avec la solution puis absorbées” sur la membrane de la bulle. Ils précisent avoir “accidentellement découvert que les grains de pollen naturels peuvent être facilement incorporés dans un film de savon“.

L’expérience a été réalisée avec des grains de pollen de poire Ya aussi appelée poire blanche chinoise (Pyrus pyrifolia) et cinq tensioactifs ont été testés pour les bulles de savon. Ces dernières ont été “tirées” sur les fleurs de poire et la présence de grains de pollen a ensuite été observée grâce à une microscopie à fluorescence qui a “montré que les grains de pollen se sont posés avec succès sur les pistils et que la croissance des tubes polliniques est devenue clairement visible après la pollinisation”.

Après 16 jours, les chercheurs ont pu constater, sur les poiriers pollinisés, la présence de jeunes fruits qui se sont formés “à un volume qui était presque le même que celui de la pollinisation manuelle conventionnelle“. Quelques bulles de savon ont donc permis d’obtenir des fruits !

Les chercheurs espèrent que les résultats de leur expérience “ouvriront la voie à la découverte de méthodes de pollinisation artificielle capables de résoudre des problèmes mondiaux tels que le déclin des insectes pollinisateurs, la lourde charge de travail impliquée dans la pollinisation et la flambée des coûts des grains de pollen“.

Les abeilles menacées par l’utilisation d’insecticides
comme les néonicotinoïdes

Le déclin des insectes pollinisateurs est un véritable enjeu et la Cour des comptes européenne a, dans son rapport “Protection des pollinisateurs sauvages dans l’Union Européenne” du 9 juillet 2020, pointé du doigt l’inefficacité de l’action de l’Union européenne dans ce domaine. “Jusqu’à présent, les initiatives lancées par l’UE pour protéger les pollinisateurs sauvages n’ont malheureusement pas été suffisamment ambitieuses pour porter leurs fruits.” a déclaré le membre de la Cour des comptes européenne responsable du rapport, Samo Jereb.

Les auditeurs relèvent que “l’abondance et la diversité des pollinisateurs sauvages connaissent un déclin dans l’Union européenne du fait de la menace croissante que constitue l’activité humaine, en particulier la conversion à l’agriculture intensive, ainsi que l’utilisation de pesticides et d’engrais.

Ils signalent également que des États membres utilisent encore des pesticides considérés comme responsables de la disparition massive des abeilles. “Au cours de la période 2013-2019, les États membres ont octroyé 206 autorisations d’urgence pour les trois néonicotinoïdes faisant l’objet de restrictions“. Il s’agit de l’imidaclopride, du thiaméthoxame et de la clothianidine dont l’application fait l’objet de restrictions depuis 2013 et dont l’utilisation en extérieur est strictement interdite depuis 2018. 

Le gouvernement français favorable à une dérogation permettant l’utilisation de néonicotinoïdes

En raison du virus de la jaunisse de la betterave, des producteurs français ont réclamé une dérogation pour pouvoir utiliser des néonicotinoïdes et ainsi éradiquer les pucerons verts qui sont vecteurs de transmission de ce virus.

Les néonicotinoïdes, qui s’attaquent au système nerveux des insectes, sont pourtant interdits depuis 2018 mais le ministère de l’Agriculture a évoqué le 6 août “une modification législative” qui permettrait de déroger à cette interdiction dès 2021 et “au plus tard jusqu’en 2023“.

Suite à cette annonce, l’Unaf (Union nationale de l’apiculture française) a dénoncé “un retour en arrière inacceptable“. “Cette décision serait catastrophique pour la filière apicole et pour l’ensemble des insectes pollinisateurs déjà fortement fragilisés en France.” 

L’Unaf qui demande aux ministres de maintenir cette interdiction souligne qu’il existe des alternatives moins dangereuses pour les pollinisateurs, l’environnement et la biodiversité.