L’OTAN, tout le monde en parle, mais avouez-le : vous ne savez pas ce que c’est

L’OTAN, tout le monde en parle, mais avouez-le : vous ne savez pas ce que c’est

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Par Astrid Van Laer

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“L’Otan avait longtemps tenu le devant de la scène et voilà qu’elle n’est déjà plus qu’un personnage en quête d’auteur. Tout à la fierté de ses succès passés et à l’espoir de ses succès futurs, elle se cramponne à ce qu’elle fut et rêve de ce qu’elle pourrait être, sans bien comprendre ni ce qui lui arrive ni ce qu’elle est devenue.”

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Gabriel Robin

Ces propos de l’ambassadeur permanent de la France à l’OTAN, Gabriel Robin, rédigé en 1995, témoignent d’une situation encore actuelle dans laquelle se trouve l’OTAN, alors que son 26e sommet s’ouvre mercredi 11 juillet, à Bruxelles.

Créée le 4 avril 1949, lors de la signature du Traité de Washington, l’Organisation du traité de l’Atlantique nord est née de la volonté de douze démocraties occidentales – Belgique, Canada, Danemark, États-Unis, France, Islande, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal et Royaume-Uni — de se protéger d’une volonté expansionniste en provenance de l’URSS. Elle s’est depuis élargie et compte désormais 29 pays membres signataires, ainsi que 45 partenaires. Mais à quoi sert-elle vraiment ?

L’Otan se définit comme un organisme de défense collective

“An attack on one of us is an attack on all of us” (“Attaquer l’un d’entre nous, c’est nous attaquer tous”) : voici le credo que s’est choisi l’Otan, craignant depuis ses débuts une menace soviétique, et cherchant à s’en prémunir. Comme le rappelle Le Figaro, selon le diplomate britannique Hastings Lionel Ismay, le but premier de cette alliance entre pays d’Europe et d’Amérique du Nord, était de “garder les Russes à l’extérieur, les Américains à l’intérieur et les Allemands sous tutelle”. Comment se positionne l’institution dans le monde de 2018 et quelle est sa pertinence depuis la chute du mur de Berlin et la dislocation de l’URSS?

Concrètement, l’Otan dispose d’1,918 milliards d’euros de budget, et ce sont quelque 3 182 000 soldats qui ont été mobilisés durant l’année 2016. L’OTAN se définit elle-même comme une organisation dont “l’objectif fondamental […] est la sauvegarde de la liberté et de la sécurité de tous ses membres par des moyens politiques et militaires.” L’article 5 du Traité de Washington, fondement de son existence, instaure la possibilité d’ingérence dans les conflits internationaux, que l’on peut considérer comme étant son principal pouvoir. Ce point précise :

“Les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d’elles, dans l’exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d’accord avec les autres parties, telle action qu’elle jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique Nord.”

Afin de financer l’organisation de la défense, en théorie, chaque pays doit contribuer à hauteur de 2 % de son PIB (produit intérieur brut). C’est du moins l’objectif que s’est fixé l’OTAN. Certains déséquilibres se laissent entrevoir. Par exemple, une grande partie du budget de l’OTAN provient du financement américain, ce qui peut occasionner certaines tensions. Récemment, Donald Trump a multiplié les déclarations laissant entendre que les autres nations doivent “payer davantage”.

Enfin, il faut savoir la différencier de l’Organisation des Nations Unies (ONU). L’OTAN fut créée deux ans après, dans une logique de défense collective. Les deux organisations fonctionnèrent de manière indépendante, jusqu’à ce que la crise des Balkans dans les années 1990 ne les force à coopérer. Dans “L’OTAN et l’ONU : une relation complexe et ambiguë“, le chef d’escadron Benjamin Roehrig, qui a servi durant deux années à l’OTAN, estime que cette période marque un tournant dans les relations qu’entretiennent les deux organisations. Il déclare qu’“une forme de division du travail apparaît alors : l’ONU fournit la légitimité quand l’OTAN apporte son efficacité” mais évoque “une incapacité des deux organisations à agir de conserve”. Lorsque l’ONU montre quelques faiblesses lors de conflits internationaux, en raison notamment de la notion de veto qui existe au Conseil de sécurité de l’ONU, qui peut bloquer des décisions de coalition, l’OTAN peut aller sur son terrain. Plus simplement, l’ONU est une organisation diplomatique, quand l’OTAN est une organisation de coordination militaire.

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Quelle légitimité depuis 1991 ?

Une fois son adversaire disparu, quelle est la raison d’être de l’OTAN aujourd’hui ? On peut considérer qu’il y eut une nouvelle donne à l’occasion de la chute du mur de Berlin, en 1989, puis deux ans plus tard, lors de l’éclatement de l’URSS notamment, quand des pays de l’Est intégrèrent eux-mêmes l’OTAN. En réalité, de nouveaux adversaires aux visages divers, parmi lesquels le terrorisme, ont fait leur apparition. Dans un contexte politique international, qui impose de reformuler le propos de Raymond Aron en “paix impossible, guerre très probable”, la nécessité d’une organisation mondiale n’est plus à prouver. La question de la légitimité ou de la pertinence de l’OTAN en est une autre.

Il n’en reste pas moins que l’Organisation existe toujours. Le président américain Donald Trump est allé jusqu’à stopper ses vives critiques à son égard, déclarant en avril dernier qu’elle “n’est plus obsolète”. L’OTAN a dû et doit constamment faire face à une certaine obsolescence, qui tient à l’instabilité du contexte politique actuel et des dynamiques politiques en permanente recomposition. Selon François d’Alançon, journaliste à La Croix et spécialiste des questions internationales, elle a dû composer avec les grands changements opérés avec le passage au XXIe siècle et la mutation des menaces :

“L’Otan d’aujourd’hui n’a plus grand-chose à voir avec celle de 1966, lorsque la France en quitta le commandement militaire. L’Alliance a abandonné sa posture de guerre froide, centrée sur la défense du territoire, tout en conservant sa mission de défense collective en cas d’agression. […]

Désormais, l’Alliance intervient pour défendre les intérêts de ses membres au-delà de leurs frontières : en Bosnie, au Kosovo, en Afghanistan et, récemment, au large des côtes de Somalie. […]

Les missions se sont étendues à la protection contre des menaces aussi diverses que la prolifération des armes de destruction massive, les trafics transnationaux, la piraterie ou les cyberattaques. Pour l’avenir, elle cherche à développer son rôle en matière de sécurité énergétique.”

Turquie, Irak, Afghanistan, guerre du Donbass… Les cartes ont été redistribuées et les terrains d’action de l’OTAN déplacés, même si la relation conflictuelle avec la Russie reste sous-jacente. En effet, la Russie apparaît en filigrane de manière plus ou moins importante ou oppositionnelle dans chacun des théâtres de conflits cités précédemment. Enfin, on questionne la capacité de la Turquie à rester dans l’OTAN, capacité contestée en raison de la situation politique du pays. Car les pays ne sont pas membres de l’OTAN de manière irréversible, en témoigne notre exemple français.

La France dans le commandement intégré de l’Otan

Entrée en 1949, la France quitte le commandement militaire intégré de l’Otan sur une décision du général de Gaulle, le 14 mars 1967. Comme le rappelle le journaliste et historien, Dominique Vidal, dans le Monde diplomatique, ce dernier déclara pour la justifier que le pays devait retrouver “l’entier exercice de sa souveraineté, actuellement entamé par la présence permanente d’éléments militaires alliés ou par l’utilisation habituelle qui est faite de son ciel”, tout en précisant qu’il comptait “modifier la forme de [l’]alliance sans en altérer le fond” :

“La France considère que les changements accomplis ou en voie de l’être, depuis 1949, en Europe, en Asie et ailleurs, ainsi que l’évolution de sa propre situation et de ses propres forces ne justifient plus, pour ce qui la concerne, les dispositions d’ordre militaire prises après la conclusion de l’Alliance.”

Quarante ans plus tard, quelques mois après son accession au pouvoir, le président Nicolas Sarkozy décide de réintégrer la France dans l’OTAN et l’annonce officiellement à l’occasion du Congrès de Washington, le 7 novembre 2007. Il entérine définitivement cette décision en 2009. Durant ces quarante années, la France n’a jamais quitté l’OTAN, mais le commandement intégré, c’est-à-dire le Comité de défense de l’OTAN. Lorsqu’elle l’a réintégré, la France n’a pas pour autant adhéré à nouveau au Groupe des plans nucléaires et est aujourd’hui le seul pays à ne pas en faire partie.

La participation de la France constitue encore aujourd’hui un sujet de discorde, qui divisait les candidats à l’élection présidentielle de 2017. Si l’on souhaite savoir ce que va être la position de la France face à l’OTAN durant ce quinquennat, on ne peut pour l’instant que tenter de se fier aux promesses de campagne du président Emmanuel Macron, favorable au maintien de la France dans l’OTAN. Il est également contre un élargissement de l’Organisation, à moins que celui-ci s’adresse à des pays des Balkans ou de Scandinavie. En outre, son programme précisait :

“[La France] veillera à limiter les interventions de l’Otan en dehors de sa zone géographique aux seuls cas où les intérêts de la France sont directement concernés.”

Article initialement publié le 29 mai 2017 et modifié le 11 juillet 2018.