“Pourquoi, malgré tout, je veux devenir prof plus tard ?”

Témoignage

“Pourquoi, malgré tout, je veux devenir prof plus tard ?”

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Par La Zep

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Les exemples illustrant le malaise du corps enseignant ne manquent pas. Anne en a conscience, mais malgré tout, elle s’accroche : un jour, elle sera prof d’histoire-géo.

“Tu veux être professeure, tu es certaine ? Réfléchis bien.” On est en salle des profs. C’est une enseignante de français, avec une vingtaine d’années d’expérience, qui me pose la question. Le professorat connaît des dégradations depuis plusieurs années. Les investissements sont faibles au niveau de l’Éducation nationale, des postes sont supprimés, des établissements scolaires ferment, les classes sont de plus en plus surchargées. Sur Twitter, j’ai pu lire de nombreux témoignages de professeurs qui expliquent qu’ils vont se reconvertir car la passion ne suffit plus.

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Sous la publication d’un article du Café pédagogique intitulé “Au secours ! Les profs font leur valise !”, un internaute écrit ceci : “Je suis un de ces profs qui quitte le navire. Après 22 ans dans l’Éducation nationale, je tire ma révérence. Aucun regret, juste un immense soulagement. Mon métier n’avait plus aucun sens pour moi.” Lire ces messages me rend triste parce que j’espère ne jamais avoir à prendre une telle décision.

Je ne veux pas quitter le navire

À la télé ou sur les réseaux sociaux, les professeurs n’ont pas bonne réputation : “Toujours en grève” ; “Trop sévères dans la notation” ; “Ce sont tous des islamo-gauchistes” ; “Ils sont woke” ; “Ce sont des privilégiés qui ont plusieurs semaines de vacances alors qu’ils n’ont pas tant de travail que ça en classe” ; “De quoi se plaignent-ils ?”.

“Pourquoi vouloir faire ce métier si rien ne va ?” Oui, pourquoi ? Tout simplement parce que je ne m’imagine pas ailleurs que dans l’enseignement. J’aime découvrir et faire découvrir des faits historiques, faire s’interroger les élèves sur des problématiques actuelles liées à la géographie, construire les séances et organiser des activités pour les élèves, échanger et débattre avec eux en classe, les accompagner dans leur orientation… Être prof, c’est prendre du plaisir à voir les productions des élèves affichées dans les couloirs de l’établissement, au CDI, et aussi de voir qu’ils sont capables de se servir, dans la vie de tous les jours, des compétences acquises en cours.

Témoin d’un épuisement collectif

Parfois, avec ma mère, on parle des réformes, de mes angoisses et de la dévalorisation du métier. Elle est professeure des écoles depuis 25 ans. Souvent, elle conclut nos discussions par une phrase du style : “Oh, tu sais, j’ai connu beaucoup de réformes et il y en aura d’autres. Chaque ministre prétend réformer une institution dans le besoin. Mais j’ai l’impression qu’ils mettent des choses en place pour qu’on retienne leur nom plus qu’autre chose”. J’ai l’impression que ma mère a su mettre une distance entre elle et ces changements imposés et constants. Elle est un peu comme anesthésiée face à tout ça.

Alors, oui, je suis critique envers l’Éducation nationale. Oui, j’aimerais qu’il y ait davantage de soutien, plus de moyens alloués aux établissements. J’aimerais qu’il y ait plus de considération pour les équipes éducatives, que les réformes soient cohérentes. J’aimerais que les tribunes rédigées par les enseignants soient entendues. Mais si je suis aussi critique, ce n’est pas par désamour, bien au contraire. Car lorsque l’on tient à quelque chose, il n’est pas toujours nécessaire de quitter le bateau, même s’il prend un peu l’eau.

Anne, 26 ans, étudiante, Lille