L214 alerte sur le lien entre élevage intensif et apparition de nouveaux virus

L214 alerte sur le lien entre élevage intensif et apparition de nouveaux virus

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© Paulo Fridman / Stuart Freedman / Nenov / Getty Images

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Par Clothilde Bru

Publié le

Réduire notre consommation de viande pourrait prévenir l’apparition de nouvelles pandémies.

“On subit les conséquences, mais qui agit sur les causes ?”, s’interroge L214 dans une nouvelle campagne de sensibilisation contre l’élevage intensif, mise en ligne ce vendredi 15 janvier. L’association de défense des animaux alerte le gouvernement sur les liens entre élevage industriel, véritable “bombe sanitaire”, et apparition de nouvelles pandémies.

“Les réponses apportées jusqu’à présent au sujet des pandémies se sont focalisées sur le traitement des conséquences (approvisionnement en masques, relance économique, recherche scientifique, vaccin…)”, déplore L214.

Si les circonstances exactes de l’apparition du Covid-19 restent à déterminer, il semble acquis que le virus a une provenance animale. Or, il est de plus en plus courant que ce genre d’infections passent de l’animal à l’homme. On parle de zoonoses pour désigner ces maladies qui se transmettent naturellement des animaux vertébrés aux humains – et vice versa.

La fréquence d’apparition de nouvelles maladies zoonotiques est en augmentation”, soulignait l’écologue Thierry Caquet, directeur de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique et de l’environnement (INRAE), dans les colonnes de Libération en avril dernier.

Comme beaucoup de scientifiques, L214 pointe d’abord du doigt les conditions intensives d’élevage. Les exploitations, qui concentrent un nombre toujours plus grand d’animaux, font courir des risques sanitaires favorables au développement de nouveaux virus et autres pathologies transmissibles à l’homme. En France, “99 % des lapins, 95 % des cochons et 83 % des poulets sont élevés en bâtiments clos”, précise L214.

La déforestation liée à l’élevage intensif aussi mise en cause

L’association dénonce ensuite les méfaits de la déforestation galopante. 80 % de la surface de la France métropolitaine a disparu entre 2004 et 2017, écrit Le Monde mercredi 13 janvier en se basant sur le dernier rapport du WWF, une organisation de protection de l’environnement. Ce sont 43 millions d’hectares dans les 24 fronts de déforestation identifiés par l’ONG. On peut attribuer une bonne partie de ce désastre à l’extension des terres agricoles commerciales. Et tout ça a un lien avec l’élevage intensif.

“65 % de la déforestation de l’Amazonie a pour but l’installation de pâturages et feed-lots (ces parcs d’engraissement industriels et intensifs de bovins), et plus de 60 % des 2,8 millions de tonnes de tourteaux de soja importées par la France pour nourrir les animaux d’élevages viennent d’Amérique du Sud”, détaille L214.

Or, lorsqu’on grignote sur leur habitat naturel, les animaux sont obligés de fuir et de se rapprocher toujours plus de l’homme. “La promiscuité entre espèces sauvages, espèces domestiques et populations humaines représente un excellent réacteur pour les maladies d’aujourd’hui et de demain”, expliquait le parasitologue et spécialiste des maladies émergentes Jean-François Guégan à Konbini news, en mai dernier.

En clair, les zoonoses sont favorisées par une proximité que nous provoquons. À cela s’ajoute la proximité génétique entre les animaux d’élevage, qui permet aux virus de coloniser plus rapidement de nouveaux organismes sans avoir à muter. À titre d’exemple, quelque “28 000 0000 poulets peuvent descendre du même coq”, détaille L214.

Antibiorésistance

Enfin, l’association de défense des animaux pointe du doigt la surconsommation d’antibiotiques par ces bêtes, qui favorise l’apparition de bactéries résistantes aux traitements. Un chiffre permet de se rendre compte de l’ampleur du problème : en 2018, 38 % des antibiotiques consommés en France ont été ingérés par des animaux d’élevage.

Mis aujourd’hui en avant par L214, la déforestation, l’élevage intensif et l’antibiorésistance ont été identifiés par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) comme des facteurs favorisant l’émergence de zoonoses dès 2016.

“Nos habitudes sont la source des pandémies”, tranchait Jean-François Guégan. C’est pourquoi l’association de protection des animaux accompagne sa campagne de sensibilisation d’une lettre adressée à Emmanuel Macron, pour lui intimer d’agir.

Elle réclame un plan pour sortir de l’élevage intensif, qu’elle détaille. Selon L214, il faut :

  • un moratoire immédiat sur l’élevage intensif et l’interdiction de nouvelles constructions destinées à élever des animaux sans accès au plein air ;
  • un plan concret de sortie de l’élevage intensif, avec accompagnement des personnes qui en dépendent aujourd’hui vers des productions alternatives. Un plan d’envergure qui permettra également de supprimer le recours à la déforestation pour l’alimentation des animaux ;
  • une politique publique de réduction de la consommation de viande et des autres produits animaux : on ne peut pas espérer sortir de l’intensification de l’élevage sans réduire la demande.

Une pétition est également en ligne et des actions seront organisées dans une quarantaine de villes, dont Paris, Bordeaux, Lyon et Rennes, pour porter ce message.