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Adoptions illégales ? Enfants volés ? Des adoptés demandent une enquête

Adoptions illégales ? Enfants volés ? Des adoptés demandent une enquête

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© Getty Images

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Par Lila Blumberg

Publié le

Suite à une enquête similaire, les Pays-Bas ont récemment suspendu toutes les adoptions à l’étranger.

Falsification de documents, dossiers perdus, victimes de trafic d’enfants : un collectif de personnes adoptées à l’étranger et de parents adoptifs réclame au gouvernement français une enquête pour faire la lumière sur des “pratiques illicites” constatées lors d’adoptions internationales.

“Nous, personnes adoptées et parents adoptifs français, demandons au gouvernement et aux parlementaires de diligenter une commission d’enquête afin que les pratiques illicites dans l’adoption internationale depuis les années 1970 soient constatées”, écrivent les membres de ce récent collectif pour la Reconnaissance des adoptions illicites en France (Raif) dans une pétition adressée à l’Assemblée nationale et publiée sur le site Change.org.

Mali, Guatemala, Sri Lanka, Pérou : adoptions illégales ? Enfants volés ?

Ces dernières années, plusieurs enfants adoptés en France, aujourd’hui devenus adultes, ont témoigné dans des livres ou dans les médias de difficultés pour accéder à leurs origines, voire de procédures frauduleuses lors de leur adoption.

C’est le cas notamment de Jean-Noël Raoult, dont nous avions recueilli le témoignage, qui a découvert que ses parents biologiques au Mali étaient à sa recherche. En quête de vérité, il a déposé une plainte, avec d’autres personnes adoptées via la même association, en décembre 2020.

C’est également le cas de la chanteuse Carmen Maria Vega, adoptée à l’âge de neuf mois, qui témoignait récemment à l’AFP avoir découvert à l’occasion d’un voyage au Guatemala à la recherche de sa mère biologique qu’elle était une enfant volée.

Il y a deux ans, c’est un vaste trafic à l’adoption au Sri Lanka qui avait été révélé, concernant plusieurs familles françaises.

Pour Emmanuelle Hébert, une des porte-parole du collectif, “ces histoires ne sont pas des cas isolés. Elles font partie d’un système et probablement il y a eu du laxisme” de la part de la France, dénonce-t-elle.

L’ouverture d’une enquête pourrait permettre, selon elle, “d’établir des statistiques et d’avoir un suivi de tous les organismes autorisés pour l’adoption” (OAA), des associations privées dont l’habilitation est délivrée par la Mission de l’adoption internationale (MAI), dépendant du ministère des Affaires étrangères. Sollicitée par l’AFP, cette dernière n’a pas donné suite.

Selon une information de l’AFP, le cabinet du secrétaire d’État chargé de l’Enfance, Adrien Taquet, s’est dit prêt à “recevoir très prochainement” le collectif.

Contactée par Konbini news, Marie, personne adoptée au Mali et cofondatrice du collectif Raif, affirme que “le collectif est satisfait de constater que la classe politique française témoigne d’un intérêt grandissant à notre cause qui impacte l’ensemble de la communauté de l’adoption […]”.

“Nous demandons au gouvernement que toutes les affaires comportant des pratiques illicites déjà portées à [sa connaissance] soient enfin réellement entendues et que les dispositions nécessaires soient prises dans les meilleurs délais”, précise-t-elle.

Nombre d’adoptions divisé par dix en 15 ans

Emmanuelle Hébert, née en Inde, est arrivée à l’aéroport d’Orly en 1977, âgée de 2 ans et demi, pour être adoptée par une famille française par l’intermédiaire d’une de ces associations. Alors que son dossier de l’orphelinat mentionnait que sa mère était morte peu après sa naissance et que son père l’avait abandonnée, elle découvre en 2008 lors d’un voyage à la recherche de ses racines que sa mère est en vie, et la rencontre.

Mais, onze ans plus tard, l’orphelinat lui “raconte une nouvelle histoire avec une autre mère, elle décédée”. “Après 20 ans de recherche, trois voyages en Inde, je ne sais toujours pas ce qui est vrai ou faux. C’est vraiment dur pour se construire”, témoigne la quadragénaire, qui n’a pas retrouvé d’acte d’abandon officiel dans son dossier.

Récemment, les Pays-Bas et la Suisse ont reconnu “des pratiques illicites” lors d’adoptions à l’étranger et présenté des regrets. Le 8 février, le gouvernement néerlandais a même suspendu les adoptions internationales après les conclusions de l’enquête.

Devant le petit nombre d’enfants à adopter en France, de nombreuses familles candidates à l’adoption se tournent depuis des décennies vers l’étranger. En 15 ans, le nombre de ces adoptions a été divisé par dix. En 2019, 421 enfants ont été adoptés à l’étranger contre plus de 4 000 en 2005, selon les chiffres officiels.

Les dossiers “irréguliers ou illicites ne sont pas la majorité mais nous avons connaissance de plus en plus de cas”, constate Anne Royal, présidente de l’association Enfance et familles d’adoption (EFA), qui regroupe plus de 5 000 adhérents.

“C’est souvent au moment des recherches d’origine qu’on se rend compte qu’on a fait l’objet d’une adoption illicite. C’est un fracas dans la vie de tout le monde, des adoptés, de sa famille adoptive et biologique”, poursuit Anne Royal, qui soutient la démarche du collectif.

“Il faut regarder en face le passé et la responsabilité de chacun. C’est un droit de connaître la réalité de ses origines.”

Konbini news avec AFP