Lien de filiation établi entre une femme trans et sa fille biologique : une décision historique

Lien de filiation établi entre une femme trans et sa fille biologique : une décision historique

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© Jon Vallejo via Getty Images

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Par Lila Blumberg

Publié le

Et "une immense victoire" selon son avocate.

Une femme transgenre a obtenu, mercredi, gain de cause devant la cour d’appel de Toulouse : reconnue femme à l’état civil et ayant conçu son enfant avant son opération, Claire* peut désormais figurer comme mère sur l’acte de naissance de sa fille, une première en France.

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Fin de huit ans de procédure

Depuis 2014, Claire, aujourd’hui âgée de 52 ans, de sexe féminin sur sa carte d’identité et parent biologique, se heurtait à un vide juridique : elle ne figurait pas sur l’acte de naissance de sa fille, l’officier d’état civil ayant refusé de l’y inscrire comme mère.

“La cour d’appel de Toulouse autorise la mention sur l’acte de naissance de l’enfant de l’époux devenu femme en qualité de mère”, considérant “que deux filiations maternelles pouvaient en l’espèce être établies”, a souligné la cour.

Dans la mesure où l’arrêt reprend les réquisitions du procureur général, il n’y a pas lieu à pourvoi en cassation, selon une source judiciaire.

“C’est une victoire totale dans cette bataille. Ce n’est pas le seul enfant concerné, c’est une décision qui ouvre un nouvel horizon, qui va détendre beaucoup de parents et de futurs parents”, a déclaré à l’AFP son avocate Clélia Richard.

La cour d’appel de Montpellier avait déjà innové en 2018 et tranché en faveur de l’inscription de la notion de “parent biologique”, un pas toutefois jugé insuffisant par la famille.

En outre, la Cour de cassation avait, en 2020, renvoyé le dossier vers la cour d’appel de Toulouse, jugeant que le terme “parent biologique” n’était pas compatible avec le droit français.

“La simplicité de la situation trouve enfin une résonance dans le droit. C’est le lien de filiation qui devait être là depuis le départ […]. C’est exactement ce qu’on a demandé à la cour d’appel de Toulouse”, a conclu maître Clélia Richard.

Un tournant historique ?

Contactée par Konbini news, l’avocate Clélia Richard est revenue sur la réaction de ses clientes. “C’est du soulagement, un sentiment de réparation d’injustice. Mais c’est avant tout une explosion de bonheur. Et presque, elles n’y croyaient pas parce que ça faisait vraiment longtemps que cette solution rêvée n’aboutissait pas.”

Et lorsqu’on lui demande si cette décision marque un tournant historique qui permettra d’établir un double lien de filiation maternelle sans en passer par des années de bataille judiciaire, l’avocate répond, très enthousiaste : “J’en suis sûre ! En revanche, l’inconvénient, c’est qu’on est quand même obligé de saisir un juge pour les enfants dans la même situation, mais on va continuer de se battre pour ça.”

Elle souligne également l’importance “pour les personnes trans de ne pas voir souligner sur l’acte de naissance des enfants leur changement d’état civil.”

Intérêt de l’enfant

“C’est dans l’intérêt de l’enfant, ça correspond à sa vérité sociale, elle a deux mamans depuis qu’elle est née […]. C’est important que son acte de naissance corresponde à sa réalité sociale”, a estimé pour sa part Me Nolwenn Jaffre, avocat de l’administrateur ad hoc de la fille de Claire et Marie*.

Le procureur général, Franck Rastoul, avait souligné que Claire “a eu plusieurs enfants à des périodes différentes de sa vie, deux alors qu’elle était homme, un alors qu’elle était devenue femme”, estimant que “le choix du sexe du parent n’est plus tributaire de la fonction de reproduction, mais de l’état civil et de l’identité de genre”.

Dans son arrêt, la cour a en revanche rejeté la demande du ministère public d’une mention relative au changement de sexe de Claire sur l’acte de naissance de sa fille. Elle a estimé que cela “porterait une atteinte disproportionnée aux droits au respect à la vie privée” de l’enfant et de sa mère.

* Les prénoms ont été modifiés à la demande des personnes concernées.

Konbini news avec AFP