“C’est inhumain” : dans le camp de la Villette, le désespoir des migrants toujours plus nombreux

“C’est inhumain” : dans le camp de la Villette, le désespoir des migrants toujours plus nombreux

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Campement de migrants de la Villette, à Paris, le 20 avril.

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Par Axel Roux

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Près de 1 500 exilés vivent dans ce campement dans des conditions de vie misérables.

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Tourné vers l’asphalte, le regard de Sheikh se perd dans un amas de détritus avant de plonger dans le canal Saint-Denis. “Je ne pensais pas que ça serait comme ça. J’imaginais ça… mieux”, souffle ce jeune Somalien d’à peine 20 ans. Comme lui, ils sont près de 1 500 exilés à vivre dans des abris de fortune au pied du centre commercial le Millénaire, sous des ponts, relégués derrière le boulevard périphérique de Paris.

Un peu plus loin, une jeune Érythréenne tente d’aborder des passants pour leur demander une cigarette. Beaucoup détournent la tête en passant le long des dizaines de tentes installées sous les ponts. La jeune femme grimace. Elle a atterri ici il y a une vingtaine de jours, après la fermeture du centre humanitaire de la Chapelle, fin mars. Ouverte mi-2016, la structure a permis de mettre à l’abri 25 000 migrants.

Pour combler le vide, la préfecture d’Île-de-France a créé cinq centres d’accueil et d’examen des situations administratives (Caes), pour un total de 750 places. Un dispositif insuffisant au regard de l’extension progressive du campement ces dernières semaines.

“C’est une honte”

Face à l’urgence, Salim, la cinquantaine, a décidé de venir tous les jours avec sa voiture depuis Livry-Gargan, à une douzaine de kilomètres à l’est du campement. Dans son coffre, des Thermos remplies de café et de thé pour réchauffer un peu les corps. “Quelques médicaments aussi, explique l’homme originaire de la Martinique. Il y a beaucoup de cas de tuberculose, il y a la gale…” Il ajoute, dépité : “C’est une honte. Il faut que le gouvernement essaie de faire quelque chose vite.”

Mais les autorités se renvoient la responsabilité du dossier. D’un côté, l’État assure que les dispositifs d’accueil (dont sa compétence relève) sont suffisants et que la mairie de Paris peut demander l’évacuation du camp. De l’autre, Anne Hidalgo, maire de la ville, refuse d’évacuer le camp sans plus de garanties du gouvernement sur la mise à l’abri des migrants. Dialogue de sourds.

Entre les deux, la misère est là, qui s’ancre, sur le campement de la Villette. Les traits tirés, Douzamy, 31 ans, originaire du Cameroun, cherche un peu ses mots. Il soupire et dit finalement : “Plus le temps passe, plus on s’affaiblit, plus on manque d’espoir. C’est inhumain.”