Ukraine : alors que la situation s’enlise, Joe Biden craint une invasion russe

Ukraine : alors que la situation s’enlise, Joe Biden craint une invasion russe

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SERGEY BOBOK / AFP

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Par Pauline Ferrari

Publié le

La Russie a nié avoir le projet d’envahir l’Ukraine, mais les États-Unis et l’Europe se préparent à réagir.

Le risque d’une invasion de l’Ukraine par la Russie est “très élevé” et peut se concrétiser “dans les prochains jours”, a dit le président américain Joe Biden jeudi, augmentant encore le niveau d’alerte à un moment d’extrême tension. Interrogé pour savoir s’il prévoyait une attaque russe, il a répondu : “Oui. Mon sentiment est que cela va arriver dans les prochains jours.”

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Jusqu’ici, le président américain avait mis en garde à plusieurs reprises contre le risque d’une invasion, mais estimait que Vladimir Poutine n’avait pas encore pris sa décision. Avant de quitter la Maison-Blanche pour un déplacement de quelques heures dans l’Ohio (nord), il a indiqué aux journalistes qu’il n’avait “pas prévu” d’appeler son homologue russe Vladimir Poutine.

“Toutes les indications que nous avons, c’est qu’ils sont prêts à entrer en Ukraine, à attaquer l’Ukraine”, a ajouté Joe Biden. Interrogé sur la possibilité d’une solution diplomatique à cette situation toujours plus tendue, le président américain a toutefois dit : “Oui, il y en a une.”

Washington a très nettement haussé le ton depuis quelques heures et assure que la Russie, loin d’avoir retiré ses troupes de la frontière ukrainienne comme elle l’a promis, a au contraire continué à renforcer son dispositif. Les Américains mettent aussi en garde contre le montage par Moscou d’opérations prétextes, qui pourraient être utilisées comme justification d’une invasion.

La Russie, pour sa part, a une nouvelle fois nié jeudi avoir le projet d’envahir l’Ukraine, mais elle a dans le même temps estimé qu’elle serait “forcée de réagir”, y compris de manière militaire, si les États-Unis rejetaient ses exigences sécuritaires et diplomatiques. Or, la plupart de ces exigences ont déjà été jugées inacceptables par Washington.

Expulsion d’ambassadeurs américains et bombardements d’écoles ukrainiennes

Le Premier ministre britannique Boris Johnson a accusé jeudi la Russie de “provocation” visant à “discréditer” Kiev et à justifier une intervention après qu’une école maternelle a été touchée par un obus dans l’est de l’Ukraine, où l’armée ukrainienne et les séparatistes prorusses ont fait état de bombardements.

“Une école maternelle a été bombardée dans ce que nous considérons comme, ce que nous savons être une opération […] conçue pour discréditer les Ukrainiens, conçue pour créer un prétexte, une provocation fallacieuse justifiant une action russe”, a déclaré M. Johnson à des journalistes lors d’une visite dans une base militaire. “Nous craignons fort d’être amenés à voir plus de choses de ce genre dans les prochains jours”, a-t-il ajouté.

Britanniques et Américains considèrent que Moscou pourrait préparer un prétexte dans le conflit qui oppose depuis huit ans armée ukrainienne et séparatistes parrainés par Moscou dans l’est ukrainien, pour justifier son intervention.

L’armée ukrainienne a dénoncé jeudi une attaque contre Stanitsa Louganska qui a privé la moitié de cette localité d’électricité et laissé un trou d’obus dans le mur d’une école, des briques jonchant une pièce au milieu de jouets d’enfants. Les séparatistes de Donetsk et Lougansk ont en retour accusé leurs adversaires d’avoir multiplié les tirs à l’arme lourde.

“Les informations faisant état d’une activité militaire inhabituelle de l’Ukraine dans le Donbass sont une tentative flagrante du gouvernement russe de fabriquer des prétextes pour une invasion”, a déclaré sur Twitter la cheffe de la diplomatie britannique Liz Truss, en visite à Kiev.

La Russie, qui a massé plus de 100 000 soldats aux frontières du pays, a exprimé sa “profonde préoccupation”. Moscou affirme depuis mardi procéder au retrait partiel de ses troupes déployées aux abords de l’Ukraine, mais les Occidentaux ont contredit à l’unisson ces affirmations.

De plus, la Russie a “expulsé” le numéro deux de l’ambassade des États-Unis à Moscou, Bart Gorman, a annoncé jeudi le département d’État américain qui a dénoncé une “escalade” sur fond de crise autour de l’Ukraine. “Nous appelons la Russie à mettre fin à ces expulsions sans fondement de diplomates américains” et “nous étudions notre riposte”, a dit un porte-parole du département d’État à l’AFP.

Les leaders des 27 discutent des sanctions contre la Russie en cas d’intervention

Les dirigeants européens ont discuté jeudi des sanctions contre la Russie en cas d’intervention militaire en Ukraine, lors d’une réunion informelle à Bruxelles, juste avant le sommet entre l’UE et l’Union africaine.

Le président du Conseil européen Charles Michel a indiqué s’être entretenu avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky juste avant cette réunion d’information et de coordination, qui n’était pas destinée à la prise de décision. “Nous suivons de près la situation sur le terrain. Une désescalade est nécessaire de toute urgence”, a déclaré le responsable belge sur Twitter, réaffirmant la “solidarité” de l’UE avec l’Ukraine.

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen s’est adressée aux chefs d’État et de gouvernement européens, dont la réunion avait été annoncée la veille, pour exposer brièvement dans les grandes lignes les sanctions que l’UE pourrait imposer à la Russie.

Les participants ont souligné que l’UE était prête à agir rapidement si la Russie envahissait ou attaquait l’Ukraine. “L’important est qu’en cas d’invasion, l’Occident soit prêt à répondre d’une manière adéquate et solide, pour montrer qu’un pays ne peut pas être envahi sans que cela ne coûte cher”, a estimé la Première ministre danoise Mette Frederiksen.

La Première ministre finlandaise Sanna Marin a exprimé l’espoir qu’une solution diplomatique puisse être trouvée. “Mais bien sûr, dans le même temps, nous préparons des sanctions très lourdes, très conséquentes”, a-t-elle dit. L’UE comme les États-Unis se montrent circonspects sur les annonces par la Russie d’un retrait partiel de ses troupes déployées aux abords de l’Ukraine.

Les signaux “qui semblaient annoncer une désescalade ne sont actuellement pas pris au sérieux, nous devons rester prêts à toute éventualité”, a déclaré le chef du gouvernement italien Mario Draghi avant le sommet. L’UE doit “maintenir une ferme stratégie de dissuasion, ne montrer aucune faiblesse”, a-t-il dit. “L’objectif est de faire s’asseoir à la même table le président [Vladimir] Poutine et le président Zelensky”, a-t-il ajouté.

Peter Stano, porte-parole du chef de la diplomatie de l’UE Josep Borrell, a indiqué, lors d’un point presse, que la Commission tenait à garder les sanctions possibles secrètes. “En cas d’action de la Russie, il y aura une réaction sous forme d’une proposition de mesures concrètes et appropriées. Avant qu’il se passe quoi que ce soit, nous ne pouvons pas discuter des sanctions, car nous ne ferions que spéculer sur l’agression potentielle à laquelle nous allons réagir”, a-t-il dit.

La secrétaire générale adjointe de l’ONU pour les Affaires politiques, Rosemary DiCarlo, a appelé jeudi les parties prenantes à la crise autour de l’Ukraine “à faire preuve d’un maximum de retenue en cette période sensible”, à l’ouverture d’une réunion du Conseil de sécurité.

“Nous appelons également toutes les parties concernées à s’abstenir de toute mesure unilatérale qui pourrait aller à l’encontre de la lettre et de l’esprit des accords de Minsk, ou compromettre leur mise en œuvre et entraîner de nouvelles tensions”, a-t-elle ajouté, en appelant à recourir à la diplomatie pour régler les différends.

Ursula von der Leyen avait indiqué le 11 février, lors d’une visioconférence avec le président américain Joe Biden, que les sanctions de l’UE en cas d’intervention de la Russie en Ukraine frapperaient les secteurs financier et énergétique, ainsi que les exportations de produits de haute technologie.

Konbini news avec AFP