Mort de Rémi Fraisse : non-lieu confirmé pour le gendarme

Mort de Rémi Fraisse : non-lieu confirmé pour le gendarme

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© ERIC CABANIS / AFP

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Par Clothilde Bru

Publié le

Le jeune homme de 21 ans est mort en 2014 après avoir reçu une grenade offensive.

Après six ans de procédures, la Cour de cassation a confirmé un non-lieu pour le gendarme dont le tir de grenade a tué en 2014 le militant écologiste Rémi Fraisse à Sivens (Tarn), une déception pour la famille qui réclamait un procès.

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Dans cette affaire ayant suscité une vive polémique sur les méthodes de maintien de l’ordre, la famille de la victime va se tourner vers la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), ayant épuisé les voies de recours devant la justice française.

“C’est comme si rien ne s’était passé cette nuit-là à Sivens. Cet arrêt clôture une procédure marquée par le déni. Le déni par l’État français de la dangerosité de ses armes utilisées en maintien de l’ordre, le déni des violences commises par les forces de l’ordre, le déni d’une doctrine de gestion des foules qui ne protège plus mais qui blesse, mutile et tue”, ont réagi la mère et la sœur de Rémi Fraisse.

Le 26 octobre 2014, de nuit, un gendarme avait lancé sur le botaniste de 21 ans une grenade offensive de type OF-F1, lors de violents affrontements sur le chantier de la retenue d’eau controversée de Sivens.

La plus haute juridiction de l’ordre judiciaire, qui juge le droit et non les faits, a rejeté le pourvoi formé par la famille de Rémi Fraisse contre un arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Toulouse, qui avait confirmé en janvier 2020 le non-lieu.

Instruction critiquée

Les proches de Rémi Fraisse, qui réclamaient un “procès public” dans cette affaire, dénoncent une instruction incomplète. “Nous avons un problème structurel en France sur la façon de juger les violences policières. La Cour européenne est là pour condamner la France dans ses errements”, juge pour sa part Me Arié Alimi, l’avocat du père de Rémi Fraisse.

Quelques jours après la mort du jeune homme, le gouvernement avait suspendu l’utilisation des grenades offensives OF-F1 par les forces de l’ordre, avant de les interdire définitivement quelques mois plus tard.

L’utilisation de cette grenade était une “réponse inadaptée” car elle avait été choisie “faute de mieux”, le gendarme n’étant alors pas doté d’autres types de grenades, avait affirmé Me Patrice Spinosi, avocat de la famille Fraisse, lors de l’audience le 16 février devant la Cour de cassation.

“Dans une obscurité totale”, le gendarme avait d’autre part tiré “en cloche” et non au sol, et la grenade s’était coincée entre la veste et le sac à dos du jeune militant, avant d’exploser, avait souligné Me Patrice Spinosi, pour qui l’usage de cette arme n’était ni “absolument nécessaire, ni strictement proportionné”.

Pas pénalement responsable

Pour la Cour de cassation, la chambre de l’instruction “a établi, compte tenu des circonstances, le caractère absolument nécessaire et proportionné de l’usage d’une grenade dont le type était alors autorisé”.

“Les exigences légales de l’article 122-4 du Code pénal, selon lesquelles n’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires ou qui accomplit un acte commandé par l’autorité légitime, ont été respectées”, a considéré la haute juridiction.

Le projet de barrage à Sivens, retenu en 2012 malgré une levée de boucliers de défenseurs de l’environnement opposés à la destruction d’une zone humide, a été abandonné après la mort de Rémi Fraisse. Un nouveau projet d’irrigation dans la zone a depuis refait surface, relançant, dans l’attente d’un arbitrage, la mobilisation des écologistes.

“Il n’y aura pas de procès, il n’y a pas de coupable, un homme est mort, il n’y a pas de responsable, circulez il n’y a rien à voir”, s’est désolé Jean-Pierre Fraisse, le père de Rémi Fraisse, qui s’attendait au rejet de son pourvoi en cassation.

“Cette tragédie est devenue une affaire d’État. Mais la France n’en a tiré aucune leçon […], les responsables ont été promus et mutés loin de la métropole ou dans le privé. Chacun sait désormais qu’il ne faut rien attendre [de la justice] dans ces situations-là”, déplorent la mère et la sœur de Rémi Fraisse dans un communiqué.

“Pas de justice, pas de paix. Ni oubli, ni pardon”, concluent-elles.

Konbini news avec AFP