Le RIC proposé par les Insoumis rejeté à l’Assemblée

Le RIC proposé par les Insoumis rejeté à l’Assemblée

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Par Astrid Van Laer

Publié le

Pour la garde des Sceaux, cette proposition "répond clairement à une opportunité politique".

© CLEMENT MAHOUDEAU / AFP

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Il s’agit d’une des revendications phares des gilets jaunes : le référendum d’initiative citoyenne (RIC) tel que proposé par les Insoumis a été rejeté sans ambages jeudi à l’Assemblée. Le groupe s’est vu accusé par le gouvernement et la majorité de “récupération politique”.

Soutenu par plus de deux Français sur trois, selon les derniers sondages, le RIC vise à faciliter la consultation du peuple, sans associer le Parlement en amont. L’idée avait été portée par plusieurs partis sous diverses formes pendant la campagne présidentielle, dont La France insoumise ou le Rassemblement national.

Après trois heures d’un débat souvent tendu, le texte constitutionnel porté par les Insoumis a fait l’objet d’une motion de renvoi à l’initiative de La République en marche, votée par 91 voix contre 50.

Le rapporteur Bastien Lachaud (LFI) avait auparavant plaidé pour “faire entrer la démocratie dans une ère nouvelle”, avec cette proposition qui entend permettre des RIC afin de soumettre ou abroger une loi, mais aussi de révoquer les élus – y compris le président –, ou encore convoquer une assemblée constituante.

Le RIC, c’est “la souveraineté retrouvée” pour le peuple alors que “notre République est pourrie”, selon cet élu de Seine-Saint-Denis.

“Non, nous ne pensons pas que notre République est pourrie”, lui a rétorqué la ministre de la Justice Nicole Belloubet, jugeant que la proposition LFI “répond clairement à une opportunité politique”. Avant d’affirmer :

“Sous prétexte de référendum d’initiative citoyenne, vous voulez profiter des évènements que nous traversons pour réintroduire l’idée d’une assemblée constituante et d’une certaine manière de mettre à bas la Ve République.”

Se disant néanmoins convaincue que le pays ne peut pas rester “en apnée pendant 5 ans” entre deux échéances électorales, elle a souligné que “la question de la participation citoyenne est clairement posée” dans le grand débat, jugeant donc la proposition “prématurée” et “inopportune”.

Ne pas être “peuplophobe”

La semaine dernière, le Premier ministre Édouard Philippe a redit son opposition au RIC qui le “hérisse”. Mi-janvier, le président Emmanuel Macron avait aussi fait part de réserves, estimant qu’il ne faut “pas créer une situation de concurrence entre les formes de démocratie” directe et représentative.

La France insoumise appelle de son côté à ne pas être “peuplophobe”. “Il n’y a pas de pouvoir supérieur à celui du peuple !”, a tonné Jean-Luc Mélenchon dans l’hémicycle. “Oui, c’est vrai Madame, nous conspirons, si c’est comme ça que vous voulez appeler la chose”, contre la Ve République, a-t-il lancé à Mme Belloubet, plaidant à nouveau pour une VIe République, sous les applaudissements de ses collègues.

La proposition a eu peu de soutiens, même si l’opposition a jugé que ne pas en débattre était “une erreur”. Les élus LREM ont fustigé un texte “tout sauf sérieux”, qui fait du RIC un outil “simpliste” et “populiste”. Ils ont pointé notamment des seuils “anormalement bas” pour déclencher un référendum tels que 2 %, soit environ 900 000 personnes pour convoquer des RIC législatifs.

Le “marcheur” Sacha Houlié a raillé une proposition “ventriloque” et un “acte de récupération politique”, estimant que le RIC relève du “consumérisme de la démocratie”.

Pour le MoDem, Erwan Balanant, critique sur la forme comme sur le fond, a eu un jugement “sans appel” sur ce “trompe-l’œil visant à endormir nos concitoyens”. Sa formation n’est cependant pas hostile au RIC.

Ces mêmes réticences ont été exprimées dans la plupart des groupes d’opposition : tout en jugeant que la démocratie peut être “revivifiée”, Raphaël Schellenberger, des Républicains, a reproché aux Insoumis de proposer “par facilité d’entrer dans l’ère du fracas permanent”.

La socialiste George Pau-Langevin quant à elle a plaidé plutôt pour “rendre opérationnels” les “référendums d’initiative partagée” prévus par la réforme constitutionnelle de 2008, en abaissant leur seuil de déclenchement. Seuls le Parti communiste français et le Rassemblement national ne se sont pas montrés franchement opposés, tout en apportant des “nuances”.

La revendication du RIC a progressivement émergé chez les gilets jaunes. Samedi dernier, une dizaine d’entre eux ont entamé une marche pour ces référendums depuis Marseille, qui doit les amener à Paris le 17 mars.

En Suisse, les citoyens gouvernent par référendum depuis le XIXe siècle. Le mois dernier, voyant cette revendication se faire de plus en plus récurrente en France, Konbini était allé leur demander comment ça fonctionnait chez eux.

Konbini avec AFP