Témoignage : je me demande comment j’ai fait pour ne pas fuguer après mon coming out

Publié le par La Zep,

© Karolina Grabowska / Pexels

Depuis le coming out de ma bisexualité, c’est la guerre froide à la maison. Alors, partir m’a déjà traversé l’esprit.

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“Si je te dis que je suis bisexuel, tu penses quoi de moi ?”

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Le confinement de mars dernier a été la pire période de ma vie parce qu’il a commencé seulement deux semaines après mon coming out. Aujourd’hui, j’ai très peur de replonger dans cette déprime. J’étais en stage dans une association et ça me permettait de me changer un peu les idées.

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Mais, après quelques semaines, j’ai réalisé que “wow”, je n’étais vraiment pas OK émotionnellement ! J’en suis venu à regretter très fort d’avoir fait mon coming out à ma mère car, si je ne lui avais pas dit, rien de tout cela ne serait arrivé et nous aurions gardé la relation forte que nous avions avant.

Quand j’ai eu cette bonne idée de lui annoncer que j’étais bisexuel, j’étais très apeuré par sa réaction, donc je lui ai fait une lettre avec l’aide de ma meilleure amie et de mon copain. Cela me rongeait de plus en plus de ne pas être honnête avec elle. Et je n’arrivais pas à me débarrasser de ce sentiment.

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Il fallait que ça sorte. Comment allait-elle réagir en apprenant la vérité ? Allait-elle m’accepter, sachant qu’elle est très religieuse ? Je brûlais d’envie de le savoir.

Au début de la rédaction de ma lettre, j’étais triste, puis en écrivant, j’ai commencé à ressentir du soulagement, mais aussi de la colère… J’ai voulu lui donner la lettre une première fois en la plaçant dans son armoire à côté de ses bijoux, car c’est un endroit où elle va souvent. Mais, comme par hasard, elle n’y est pas allée ce jour-là. Je me suis dégonflé et j’ai repris la lettre. Puis, j’ai retenté ma chance en laissant la lettre sur la table de la cuisine, avant d’aller en cours.

Je pensais qu’elle m’acceptait, mais j’avais tort

J’ai attendu son appel toute la matinée. Je l’ai appelée à midi pour savoir si elle avait trouvé la lettre, mais rien. À ce moment, mon petit frère de 11 ans m’a dit qu’il l’avait et qu’il l’avait cachée. Mon frère connaît mon orientation sexuelle et me soutient. Il voulait juste me protéger de la réaction de notre mère. Je lui ai demandé de la lui donner, parce que c’était important pour moi.

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J’étais tellement stressé que j’allais m’évanouir. Ma mère m’a rappelé peu de temps après. L’heure était venue. Elle m’a dit de ne pas m’inquiéter, qu’on allait trouver une solution. Elle m’a dit : “Je t’aimerai toujours parce que tu es mon fils.” Sur le coup, je croyais qu’elle m’avait accepté et j’étais soulagé. Mais j’avais tort.

En rentrant chez moi, une atmosphère très pesante s’est installée. Ma mère était silencieuse, et son visage laissait penser qu’elle avait pleuré pendant un long moment. Ensuite, nous avons eu LA “discussion sérieuse”. Celle où j’ai réalisé que ma mère ne m’acceptait pas vraiment comme j’étais.

Elle me voulait dans “le droit chemin”

J’ai tellement pleuré ce soir-là. J’ai cru que j’allais me noyer dans mes larmes. Les jours défilaient et la relation avec ma mère devenait de plus en plus toxique. J’ai détesté ma mère pendant un long moment, parce qu’on s’est beaucoup disputés.

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On s’est dit des choses méchantes et blessantes comme quand elle m’a lancé : “Tu m’as trahie ! Comment peux-tu faire ceci à ta propre mère ?” Ou quand je lui ai dit : “De toute façon, tu ne penses qu’à toi et tu ne veux même pas essayer de me comprendre !” Une fois, elle a carrément voulu quitter la maison parce qu’elle en avait marre que je ne sois pas dans “le droit chemin”.

Il y a quelques semaines encore, je lui ai demandé : “C’est à cause de la religion ou du regard des autres que tu ne m’acceptes pas ?” Elle m’a répondu : “Aucun des deux.” Ma mère a vraiment agi comme une enfant. Une fois, elle a même tapé du pied sur le sol ! J’ai évidemment essayé de la convaincre de me comprendre, mais elle n’a pas voulu m’écouter. J’étais très triste. Je me demande comment je n’ai pas fugué de chez moi avec toute cette pression.

Heureusement, mon copain a été là pour me soutenir. Il me disait souvent que c’était temporaire, et que tout irait mieux bientôt. C’est grâce à lui que j’ai réussi à ne pas finir en dépression. Mon frère et mes amis m’aident aussi à penser à autre chose et à me sentir mieux. Ils me soutiennent dans ce que je suis.

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Plus tard, je veux vivre loin

Aujourd’hui, ma relation avec ma mère est plus positive. Elle n’est toujours pas d’accord avec qui je suis mais, la différence, c’est que je m’en fiche. Il n’y a plus de disputes parce que je n’aborde plus le sujet. Ça ne sert à rien : ça finit toujours mal.

Ma mère m’a ouvert les yeux : je ne peux pas prêter attention au regard des autres. Pourtant, pour moi, c’était ma meilleure amie. Quant à mon père, je ne pense même pas lui dire car ça ne servirait encore plus à rien. Il est aimant, mais il est aussi autoritaire, et j’aurais vraiment peur.

Plutôt que d’y penser, je préfère me concentrer sur mon avenir et ce que je veux faire, comme vivre un peu plus loin de ma famille, comme en Suisse. J’ai traversé une période sombre, mais cela m’a forcé à être plus confiant envers moi-même et à m’assumer.

Lulu, 16 ans, lycéen, Marseille

Ce témoignage provient des ateliers d’écriture menés par la ZEP (la zone d’expression prioritaire), un média d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans, qui témoignent de leur quotidien comme de toute l’actualité qui les concerne.